Sous le pseudo _ jeanne_dark_

A 34 ans, Marion Siéfert continue d’explorer de nouvelles formes théâtrales en interrogeant le rapport au public. Avec _ jeanne_dark_, elle mêle performance et réseaux sociaux. Une expérience inédite à vivre les 5 et 6 janvier au Tap, à Poitiers.

Claire Brugier

Le7.info

Quel a été votre parcours artistique avant _jeanne_dark_ ?

« Je n’ai pas intégré d’école de théâtre, je suis une autodidacte. J’ai fait des études de littérature allemande qui m’ont amenée en Allemagne. A Berlin, j’ai vu des spectacles qui m’ont profondément marquée et qui correspondaient à la manière dont je voulais moi-même faire des spectacles. Ils mêlaient vidéo, performance, cabaret… Et ils interrogeaient la relation au public, dans des formats très différents, autour de questions très contemporaines. En France, je me sentais bloquée. Ces spectacles m’ont donné du courage. »


Du courage pour… ?

« Pour ma toute première pièce. Comme je n’avais pas de théâtre à disposition, je l’ai imaginée depuis ma chambre. Elle s’intitulait 2 ou 3 choses que je sais de vous. J’y dressais le portrait du public à travers les réseaux sociaux. C’était un mélange d’écriture, de montage et de performance, plus théâtral qu’esthétique, un spectacle basé sur le rapport avec les spectateurs, cette co-présence entre le public et moi. »

Votre nouveau spectacle interroge toujours ce rapport. Comment est-il né ?

« C’est mon quatrième spectacle et ma deuxième collaboration avec Helena de Laurens. J’avais déjà fait un solo avec elle et je me demandais comment faire quelque chose d’aussi fort. J’avais envie que la matière vienne de moi, que la forme soit contemporaine. Je savais aussi depuis le début qu’il y aurait Jeanne d’Arc. Je me suis demandé ce qu’elle venait éveiller chez moi et cela a fait écho à ma propre adolescence, la virginité, le rapport au catholicisme, Orléans où j’ai grandi… J’ai senti que j’allais enfin pouvoir parler de mes hontes, de l’éducation catholique que j’ai reçue et comment cela a construit mon intimité. Pour autant, je n’avais pas envie de raconter ma vie, je voulais une ado de 2019. Et que fait une ado de 2019 ? Elle est sur les réseaux. Pour les représenter au théâtre, la technique la plus proche, c’est le live. J’allais faire un live sous le pseudo_jeanne_d’ark_ ! Tout a pris du sens. »


Comment avez-vous appréhendé la mise en scène ?

« Dans la salle, le public voit la comédienne en train de jouer et, sur deux écrans format téléphone installés de part et d’autre, il voit ce qu’elle filme ainsi que les commentaires sur Instagram. L’écart est très fort entre sa prestation, son corps de danseuse, et l’image que renvoie le téléphone. Le spectateur peut choisir ce qu’il veut regarder. C’est un terrain de jeu assez fascinant car deux publics se font face, ils se sentent, s’influencent. L’expérience est assez inédite. Cela pose aussi la question de ces réseaux, vus comme des espaces de création et d’expression, et celle du langage en tant qu’articulation des signes entre eux. Or, les algorithmes des réseaux ont une perception du langage très pauvre et dangereuse. Avec ce spectacle, nous avons subi la censure d’Instagram. Notre live s’est interrompu. Nous avons essayé de comprendre ce qui provoquait la foudre des algorithmes et nous avons réussi à identifier un geste. Mais ils évoluent constamment. »

_jeanne_dark_, de Marion Siéfert, avec Helena de Laurens, le 5 janvier à 20h30 et le 6 janvier à 19h30, au Théâtre-auditorium de Poitiers ou sur Instagran @_jeanne_dark_.

Crédit photo : Renaud Monfourny.

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