Yohann Allemand : « J’ai dit stop ! »

Le 21 janvier, les président et directeur général du Refuge ont été mis en examen pour des faits de viol, d’agression et de harcèlement sexuels. Hier fondateur de l’antenne poitevine de l’association, Yohann Allemand est aujourd’hui à l’origine de l’Association de défense des anciens du Refuge.

Claire Brugier

Le7.info

Que s’est-il passé entre la création de l’antenne poitevine du Refuge 
en mars 2019 (Le 7 n°463) 
et aujourd’hui ?

« En juin 2020, le président de l’Amicale des jeunes du Refuge a posté des tweets racistes et transphobes, repris dans Valeurs Actuelles. Choqué, j’ai contacté Nicolas Noguier (ndlr, ex-président du Refuge) mais en retour il a qualifié mon équipe d’extrêmo-gauchiste. Ça a été un coup de massue. En septembre, j’ai démissionné en mettant symboliquement mon t-shirt du Refuge à la poubelle. J’ai alors reçu les premiers témoignages d’anciens bénévoles, salariés, jeunes, et j’ai créé un collectif. A cette époque, Mediapart menait une enquête, l’article est paru en janvier, générant de nouveaux témoignages parmi lesquels le premier de viol. Alors j’ai dit stop ! L’exclusion du président a été une première victoire. J’ai quitté le collectif pour créer l’Adar (ndlr, Association de défense des anciens du Refuge) en mars 2021. Me Eric Morin (ndlr, avocat au barreau de Paris) a accepté de nous représenter. Depuis un an, une enquête a été ouverte par le parquet de Montpellier. Une vingtaine de plaintes ont déjà été enregistrées et une centaine de témoignages nous sont parvenus. »


Quelle a été votre propre expérience au Refuge, à Montpellier ?

« J’ai été l’un des premiers jeunes à être hébergés par le Refuge. C’était il y a seize ans, l’association avait été créée deux ans plus tôt. A l’époque, elle ne disposait que d’un petit appartement et d’un local partagé avec une autre. Au bout de trois semaines, j’ai été mis à la porte pour cause de prostitution, ce qui était faux. J’avais tilté qu’il y avait un problème mais quand j’ai vu l’ampleur que prenait l’association (ndlr, actuellement près de quatre cents jeunes accompagnés, dont la moitié hébergés) et alors que j’avais retrouvé une vie stable, j’ai pardonné et j’ai souhaité créer une antenne dans la Vienne. La cause en valait la peine. J’ai rapidement constaté le peu de soutien de la part du national. A Poitiers, nous n’avions pas la capacité d’héberger des jeunes et nous les renvoyions en délégation. Mais beaucoup nous revenaient au bout de quelques jours ou semaines car ils avaient été exclus sans raison valable. J’en avais parlé à Nicolas Noguier qui avait regardé cela d’assez loin. »

Quelles sont vos relations avec Michel Suchod et Sophie Delannoy, les nouveaux président et directrice ?

« Dès leur arrivée, ils nous ont soutenus et nous avons soulevé avec eux toutes les problématiques qui ressortaient des témoignages. Nous en avons tiré trente-six propositions que nous leur avons soumises. Parmi elles, il y avait le recrutement de travailleurs sociaux. Sous la précédente gouvernance, il y en avait trois pour les vingt-deux délégations. Or, il est important que des jeunes qui arrivent déjà blessés soient accompagnés par des professionnels. Une autre proposition concerne des formations sur la transidentité, un sujet très complexe. Plusieurs de nos propositions se sont déjà concrétisées, ça bouge ! »

Avez-vous un nouveau projet pour la Vienne ?

« Lorsque l’antenne était ouverte, nous avions été contactés par beaucoup de jeunes qui se retrouvaient à la rue. Quand tout sera fini, ma volonté première sera de créer une nouvelle antenne, du Refuge ou d’une autre association. Cela me tient à cœur. Cette affaire a libéré la parole. Nous savons qu’il y a d’autres victimes et que nous sommes probablement face à un scandale sexuel. Nous n’attaquons pas le Refuge, car le travail de l’association est important et nécessaire. Il faut que les jeunes qui sont désemparés puissent continuer à appeler le numéro d’urgence. »

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