Gestion de l'eau : Les irrigants marquent des points

Début février, le Varenne agricole de l’eau a conforté les réserves de substitution comme une solution aux enjeux de gestion de l’eau. Le projet de vingt-huit points de stockage dans la Vienne pourrait bénéficier des fonds du plan de relance. Mais des étapes restent encore à franchir.

Romain Mudrak

Le7.info

Au terme de neuf mois de concertation, le Varenne agricole de l’eau a abouti à une série d’annonces faites par le Premier ministre le 1er février dernier. Ces mesures constituent « une feuille de route opérationnelle pour répondre aux enjeux de gestion de l’eau et d’adaptation au changement climatique auquel est confrontée l’activité agricole ». Parmi les actions envisagées, la création de réserves de substitution apparaît désormais comme l’une des solutions possibles pour maintenir certaines cultures en période de sécheresse estivale. Au grand dam des associations écologistes qui manifesreront samedi (cf. repères).

Dans la Vienne, le projet de stockage de l’eau porté depuis dix ans par Rés’eau Clain a même été cité parmi les dix projets pouvant prétendre aux fonds du Plan de relance. 
« C’est la reconnaissance du travail de concertation engagé », 
estime Eric Sigalas, chef de la direction départementale du territoire (lire Le 7 n° 523). Mais où en est précisément ce projet ? Au fil des négociations menées entre mai et octobre 2021, treize « bassines » se sont évaporées, le programme de construction passant de 41 à 28 réserves. 157 exploitations sont concernées, le tout pour un budget de 60M€. En contrepartie, les irrigants se sont engagés à adopter des principes d’« agroécologie » en réduisant notamment les intrants.

« Pouvoir de sanction »

En fin d’année dernière, Grand Poitiers, Eaux de Vienne, tous les deux gestionnaires d’eau potable, et deux syndicats de rivière ont conditionné leur signature du protocole d’accord avec Rés’Eau Clain à l’obtention de garanties supplémentaires. Afin d’obtenir un large consensus, les agriculteurs se sont appuyés sur leurs doléances pour rédiger une « v2 » portant leurs engagements à vingt ans (au lieu de six) et relevant les indicateurs de suivi des niveaux de pesticides et nitrates. Reste à savoir si les partenaires l’adopteront cette fois. « Nous allons dans le bon sens en termes de niveau d’exigence, reprend Eric Sigalas. Parallèlement à cela, l’autorisation provisoire de prélèvement d’eau a été prolongée jusqu’en 2027, ce qui permet de continuer la démarche. » D’ici là, les réserves devraient être creusées. Sauf si les opposants historiques aux 
« bassines » (Bassines non merci 86, Vienne Nature, Confédération paysanne…) trouvent une nouvelle parade.

« Nous avons aussi créé un Groupement d’intérêt public pour vérifier la mise en œuvre du protocole, une première en France, car nous sommes conscients que l’eau est le bien de tous », souligne Bertrand Lamarche, président de Rés’eau Clain. Composé du monde agricole, de l’Etat, des collectivités et des syndicats de rivière, 
« ce GIP aura un pouvoir de sanction », assure le président de la coopérative de La Pallue. Et le financement ? Au-delà du Plan de relance, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne attend de recevoir d’ici juin le Contrat territorial de gestion quantitative (CTGQ) qui s’inspire du protocole pour rendre son avis. La Région pourrait également injecter des fonds. Le résultat de l’élection présidentielle pourrait toutefois rebattre les cartes.

Les opposants appellent à se mobiliser samedi
« Aucun consensus n’a été trouvé dans la Vienne et ne sera possible autour d’un tel projet d’accaparement de l’eau ! » Bassines non merci 86 s’oppose toujours farouchement aux réserves de substitution dans la Vienne et appelle à manifester, samedi, à 11h au Pont-Joubert, à Poitiers. Le but : « faire le plus de bruit possible avec vos contre-bassines et casseroles ». « Malgré le refus de plus en plus large de ces projets au sein de la société civile, la préfète de la Vienne et les irrigants semblent vouloir prendre le risque de passer en force plutôt que de chercher des alternatives et le dialogue », avancent encore les opposants. Précisément, une nouvelle rencontre entre la préfète de la Vienne Chantal Castelnot et le président des irrigants de la Vienne, Hervé Jacquelin, est prévue jeudi. Pour les associations contestataires, hors de question que l’argent public (80% du financement) serve à financer « des méga-bassines qui contribueront à l’assèchement des milieux humides » et « doivent permettre de maintenir l’irrigation intensive de monocultures de maïs vouées à alimenter les marchés internationaux ». Dans les Deux-Sèvres, le projet de Mauzé-sur-le-Mignon est devenu l’épicentre de la contestation à l’échelle nationale. D’ailleurs, les opposants ne désarment pas et ont prévu un « printemps maraîchin » du 25 au 27 mars à La Rochénard pour exiger l’arrêt des travaux à la veille de l’élection présidentielle. La Vienne suivra-t-elle l’exemple de son voisin ?

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