Le Chili comme pain quotidien

La rédaction du 7 consacre une série aux Poitevins expatriés dont le parcours professionnel sort de l’ordinaire, mais aussi aux étrangers ayant jeté l’ancre dans la Vienne. Nouveau volet avec Marie Lambalot, au Chili.

Claire Brugier

Le7.info

Racontez-nous 
votre enfance...
« Très heureuse ! Je suis née à Périgueux mais j’ai grandi à Poitiers, avec deux petits frères. »

Petite, vous rêviez à quoi ?
« J’aimais déjà apprendre les langues étrangères et les voyages. Je voulais être traductrice. »

Quelles études avez-vous faites ?
« J’ai effectué tout mon cursus à Poitiers, à l’école Paul-Bert, au collège du Jardin des Plantes, au lycée Victor-Hugo qui proposait du russe, puis à la fac où j’ai fait LEA (ndlr, langues étrangères appliquées) anglais-russe, parcours affaires et commerce. C’était un choix pragmatique pour pouvoir faire n’importe quel boulot, n’importe où. »

Votre carrière 
en quelques mots ?
« J’ai commencé à Poitiers, en prenant ce que je trouvais dans les startups de la zone du Futuroscope, puis j’ai décroché un CDI dans une entreprise de location de véhicules. Je trouvais que la France changeait, il y avait de plus en plus de racisme, la qualité de vie se dégradait… Alors en 2011, du jour au lendemain, j’ai décidé de partir au Chili, avec ma petite valise et peu de sous. Je me suis installée sur l’île de Chiloé, le plus loin possible. J’y suis restée trois mois, c’était le bout du monde. Je pensais trouver au Chili un monde moins capitaliste, mais en fait le système est ultralibéral. Je ne parlais pas un mot d’espagnol, j’ai donc d’abord travaillé comme serveuse, puis je suis entrée à l’université de Pucón comme prof d’anglais, et ensuite au département développement touristique pendant quelques années. Et ce qui devait arriver est arrivé, j’ai rencontré un Chilien avec qui j’ai eu deux enfants. Mais les lois sociales au Chili n’encouragent pas les femmes et les mères à travailler. »

Un tournant dans cette carrière ?
« Sans système de garde d’enfant ni famille à proximité (ndlr, et séparée), j’ai eu l’idée de travailler à la maison. Le Chili est l’un des pays au monde qui consomme le plus de pain, mais ce n’est pas le Pérou, ici il ne ressemble à rien. C’est un pain individuel, une sorte de petite galette ronde et dure avec de la mie qui n’en est pas. Et surtout, il contient plein de produits chimiques. Et l’idée de faire manger quelque chose de nocif à mes enfants… Alors avec Maria Ines, une amie qui est devenue ma femme -nous nous sommes mariées en France en 2018-, nous avons décidé d’ouvrir une boulangerie à Chillan, « L’Art du pain », et d’y proposer du pain au levain. Nous avons appris avec Internet. Le résultat n’est pas comme chez nous car la farine n’est jamais égale, le blé est coupé avec toutes sortes d’autres céréales… C’est un défi quotidien mais, comme disent les Chiliens, « on fait avec ce qu’on a » et nous travaillons avec notre rigueur. Nous avons des clients fidèles, nous sommes bien implantées dans le quartier et nous sommes une boulangerie solidaire. Le Chili est un pays pauvre, alors certains clients ne paient pas, ou à prix coûtant, ou en troc. »

La Vienne vous a marquée pour...
« Pour être franche, je préfère la Dordogne. Mais Poitiers est une ville étudiante, avec des cafés, des restaurants, une vie culturelle… Ici, elle est très restreinte. »

Quelle est, selon vous, la personnalité qui symbolise le plus la Vienne ?
« René Monory, pour sa vision de la zone économique du Futuroscope qu’il a imaginée avec le parc, les entreprises, le LP2i, l’université… Et puis sa trajectoire de vie impose le respect, il était mécanicien je crois à l’origine… »

 

REPERES

Pourquoi elle ?
Originaire de Périgueux (Dordogne), Marie Lambalot a passé son enfance et sa jeunesse à Poitiers. Des idées de liberté et de tolérance plein la tête, elle est partie s’installer au Chili il y a une dizaine d’années mais n’a pas vraiment trouvé la société à laquelle elle aspirait. Elle y a ouvert une boulangerie française en 2019 « juste avant la pandémie »...

Votre âge ?
« 44 ans. »

Un défaut ?
« J’en ai quand même pas mal… Je suis impulsive, je me lance sans penser. Je fais, et je réfléchis après. Par exemple, lorsque nous nous sommes lancées dans la boulangerie, nous n’avions pas un peso. »

Une qualité ?
« J’ai eu une éducation à la française, avec tout la discipline et la rigueur que cela implique. Ici, au Chili, cela fait la différence. »

Un livre de chevet ?
« 69 tiroirs, de Goran Petrovic, un écrivain serbe. C’est un livre sur la lecture. »

Une devise ?
« Quand on veut, on peut. Tout est possible avec de la persévérance. »

Un voyage ?
« Ce serait un voyage en Equateur, auprès d’une communauté qui travaille le cacao dans le cadre de l’économie solidaire. »

Un mentor ?
« Personne ne me vient à l’esprit… »

Un péché mignon ?
« Ici je n’en ai plus, mais sinon ce serait la pâtisserie française, les Paris-Brest, ce genre de gâteaux… »

 

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