Il était une foi - Les anglicans honorent leur reine

Chaque semaine, des milliers de Poitevins se retrouvent autour de croyances communes, souvent éloignées des trois religions monothéistes bien connues. Cette nouvelle série se propose de les découvrir avec, cette semaine, les anglicans.

Romain Mudrak

Le7.info

Le 8 septembre dernier, un double arc-en-ciel est apparu au-dessus de Buckingham Palace juste avant l’annonce officielle du décès de la reine Elisabeth II. Les Britanniques réunis devant la grille ont vu dans ce phénomène un dernier signe de la souveraine partie rejoindre son mari à 96 ans. Hazel Door se souvient de ce moment et elle y croit. « C’était comme dans la Bible, après le déluge et l’arche de Noé… » Installée à Linazay dans le Sud-Vienne depuis 1996, Hazel est l’une des rares femmes prêtres de l’Eglise anglicane en France. Pour elle, la mort de la « defender of the faith » (défenseuse de la foi), « Supreme head of the Church » comme tous les rois et reines avant elle (lire ci-contre), a été un choc : 
« Elle avait une foi tangible, très profonde qui se manifestait dans toutes ses actions. »

Dans le Poitou
depuis 1998

Partout où elle est présente, la communauté anglicane a pleuré cette disparition. Dans le Poitou, les offices ont été particulièrement suivis. Composée d’une centaine de personnes, The Chaplaincy of Christ The Good Shepherd (l’Eglise du Christ le bon berger) se réunit le dimanche à Courcelles en Charente-Maritime, Cognac en Charente et dans un ancien temple protestant à Chef-Boutonne, propriété de l’association cultuelle depuis 2021. « Nous sommes toujours les bienvenus chez les catholiques et les protestants, nous formons en quelque sorte un pont entre les deux. » A Civray, en revanche, il ne se passe plus grand-chose depuis plusieurs années, hormis une messe de Noël commune avec l’archevêque de Poitiers, Mgr Wintzer, en 2015. C’est pourtant là que tout a commencé en 1998. Deux ans après l’arrivée en France d’Hazel Door et de son mari, la communauté des Anglais expatriés et croyants s’est structurée, jusqu’à demander officiellement la création d’une « province » aux plus hautes autorités de tutelle. Depuis la Grande-Bretagne, un groupe évangélique a financé le salaire d’un prêtre, Mickaël Hepper, qui s’est installé dans le Sud-Vienne.

Révérende bénévole

C’est en l’église Saint-Nicolas de Civray que Hazel Door a été ordonnée révérende en 2005, en présence d’un évêque honoraire spécialement venu d’Angleterre. Rien ne prédestinait cette ex-officier de communication de la marine royale britannique à endosser ce rôle si ce n’est une foi inébranlable. Ses parents protestants se sont d’ailleurs convertis sur le tard. « J’étais même déjà prêtre ! » D’abord rattachée à la Bretagne, elle a remplacé le « chaplain » de l’association picto-charentaise de 2011 à 2016 avant de prendre sa (seconde) retraite. Mais cette dernière fut de courte durée. Comme d’autres, l’Eglise anglicane peine aujourd’hui encore à susciter de nouvelles vocations. Depuis 2017, Hazel Door célèbre plusieurs fois par mois les messes, les mariages et les obsèques en Vendée (à Saint-Gilles-Croix-de-Vie et à Puy-de-Serre) mais elle préside également les offices en Poitou-Charentes lorsque nécessaire. Quand on aime, on ne compte pas les kilomètres.

HISTOIRE
Henri VIII à la manœuvre

Pour savoir pourquoi le roi d’Angleterre est symboliquement le chef de l’Eglise anglicane, il faut remonter au XVIe siècle. A cette époque, Henri VIII est au pouvoir. Faute de réussir à avoir un fils avec son épouse Catherine d’Aragon, il émet le souhait de faire annuler son mariage. Mais le pape Clément VII ne l’entend pas de cette oreille. Il refuse de prononcer la nullité de l’union. Pour régler ce différent, le souverain s’autoproclame alors Supreme chief of the church et décide d’épouser Anne Boleyn. Cet épisode est un prétexte à concrétiser la séparation avec l’Eglise catholique qui couvait depuis longtemps. D’ailleurs, Henri VIII en profite pour confisquer les biens des monastères. Après plusieurs renversements de situation, Elisabeth I va rétablir et conforter la place de l’Eglise anglicane à partir de 1559. Aujourd’hui encore, dans chaque paroisse, le nouveau roi Charles III, comme sa mère avant lui, a sa place dans la prière du dimanche.
ORGANISATION
Des femmes prêtres depuis 1992

La révérende Hazel Door (notre photo) le répète à l’envi : « L’église anglicane constitue un pont entre catholiques et protestants. » Ainsi, un peu de ces deux religions se retrouve dans la doctrine anglicane. Les prêtres peuvent se marier et fonder une famille. Depuis 1992, les femmes ont également la possibilité d’exercer cette fonction. Les principales célébrations sont Noël et Pâques mais les anglicans y ajoutent la fête des moissons en septembre. « On donne maintenant des pro- duits alimentaires à l’équivalent des Restos du cœur ou, cette année, aux réfugiés ukrainiens », note Hazel. Le 8 septembre, date de la disparition d’Elisabeth II après 70 ans de règne, devrait également devenir un rendez-vous particulier.

 

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