Les bulles d’amitiés de Jean-Louis Dumureau

Jean-Louis Dumureau. 74 ans. Ligugéen depuis ses 8 mois. Fondateur du Festival BD de Ligugé. Grand amateur de bulles, féru de bonne chère et accro à l’amitié.

Claire Brugier

Le7.info

Sur les murs, des dessins, petits et grands, en couleur ou au simple crayon. Sur les étagères et le canapé, des bandes dessinées. Dans des cartons à dessins posés ici et là, des originaux dédicacés par Moebius, Giroud, Margerin, Walthéry, Aouamri et quelques autres grands noms du neuvième art… La maison de Jean-Louis Dumureau est à l’image de son propriétaire, elle fourmille de souvenirs amicaux. Pendant plus de vingt-cinq ans, le fondateur du Festival BD de Ligugé s’est évertué à faire de sa ville, natale ou presque -il y est arrivé à 8 mois-, la destination privilégiée d’auteurs et illustrateurs de renom. Mais surtout d’amis de talent. A une centaine de kilomètres de la capitale Angoulême (*), Ligugé est devenue l’autre royaume de la bande dessinée sur lequel a longtemps régné le « maréchal-président élu démocratiquement à vie ». Jean-Louis Dumureau s’amuse de ce grade plein d’humour et d’affection que lui ont décerné des amis auteurs. Pourtant, à 74 ans, le volubile septuagénaire, chroniqueur depuis trois ans sur RCF, s’est retiré de l’association BD Lire, laissant à d’autres le soin de perpétuer le festival.

« La magie de les voir dessiner »

Evaporées les responsabilités, ne restent que les bulles d’amitiés, indélébiles, et la lecture qui l’accompagne « depuis toujours ». Avec un père conducteur typographe à l’imprimerie Aubin, l’aîné d’une fratrie de trois enfants a eu très tôt accès à toutes sortes de littératures, des récits du spéléologue Norbert Casteret aux romans de science-fiction, ses préférés. « C’est comme ça que je suis devenu lecteur chez Denoël ! » Enfin comme ça… Auparavant le jeune Jean-Louis a suivi « des études éclectiques ». « J’ai essayé plein de choses, la chimie-biologie, la philosophie, les sciences-éco… et je suis tombé par hasard dans l’informatique. » Il en a fait son métier, à Paris, Cholet puis Paris à nouveau. « Mais je revenais toujours me ressourcer ici. C’est là où je me sens bien », confie celui qui a fait sienne la maison familiale après la disparition de sa mère. « Mes amis belges l’appelaient Ma Dalton », raconte-t-il avec tendresse, sans pour autant nier le caractère bien trempé de Bertheline. Il lui doit la lecture de ses premières planches. Avant même Astérix, Lucky Luke et les autres, il a suivi les aventures de Moustache et Trottinette publiées dans Femmes d’aujourd’hui. Mais le véritable déclic a eu lieu à Cholet, dans une librairie spécialisée où l’avait traîné un ami. « Je suis ressorti avec une pile d’albums et le libraire qui me disait : tu me ramèneras ceux que tu ne veux pas et tu me paieras ceux que tu gardes ! » Improbable. Et puis en 1985, Jean-Louis assiste à une dédicace de Philippe Luguy (Percevan). « Je ne me lasse pas de la magie de les voir dessiner », glisse-t-il, jamais blasé.

 

Un personnage de BD

Et pour Denoël ? « C’est encore une histoire de fous ! Comme il me manquait des titres, je me suis présenté directement à la maison d’édition. » En attendant la directrice, le jeune homme trompe l’ennui en aidant une enfant à faire des calculs. « C’était la fille de la directrice. J’ai fini dans les stocks ! Je n’étais pas payé mais j’avais accès à tous les bouquins et lors de soirées j’ai rencontré des auteurs comme Asimov, Bradbury, Stefan Wul… » A cette époque aussi il commence à écumer les salons, pour le plaisir de glaner des dédicaces dessinées mais plus encore d’échanger avec les auteurs.

« Bien recevoir les gens »

A la demande d’une poignée d’entre eux, en 1996, il lance « un premier festival de bric et de broc, aux Roches-Prémaries » avec pour ambition de « bien recevoir les gens ». Les années suivantes, le Festival BD s’installe au domaine de Givray et le petit monde de la bande dessinée à la table de Jean-Louis, rue Rabelais -cela ne s’invente pas !

Selon ses dires piètre dessinateur et jardinier pire encore, « capable de faire crever des plantes increvables », l’ancien timide aux yeux rieurs est toujours prompt à recevoir et à cuisiner pour ses amis. Son carnet d’adresses compte plus de cent cinquante auteurs et illustrateurs en France, en Belgique mais aussi en Serbie, en Slovénie, en Angleterre… Il ne s’étonne donc plus de se reconnaître, moustache fière, mèche sur le front et pommettes saillantes, en barman chez Walthéry, en aubergiste chez Luguy, dans les caricatures de Doumé ou sur les muselets de champagne de la maison Vautrain, à Dizy. Depuis quinze ans, il déniche des illustrateurs pour les cuvées spéciales de son ami Christian, producteur de ces autres bulles.

Au fil du temps, la bande dessinée est devenue sa famille choisie. Elle a pris beaucoup de place. Jean-Louis balaie d’un revers de manche les quelques regrets qui parfois l’étreignent. « Si j’avais été marié, avec des enfants, je n’aurais jamais fait tout ça. » Les 17 et 18 juin, avec la complicité des Pirates du Clain et de son ami champenois, il sera de nouveau sur le pont d’un rendez-vous inédit baptisé Bulles mêlant bières, champagne et BD. Hyperactif ? « Non, passionné. »

 

(*) Le 50e Festival de la bande dessinée d’Angoulême se déroule du 26 au 29 janvier.

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