Ils travaillent pour étudier

« Je travaille pour étudier », c’est le nom d’un cycle d’ateliers, projections, débats et spectacles lancé jusqu’en avril par l’université de Poitiers. Parmi les temps forts, un réalisateur aide chaque semaine un groupe d’étudiants à filmer leurs jobs.

Romain Mudrak

Le7.info

Wilguens, la vingtaine, est Haïtien. Arrivé en août dernier pour suivre un master de géographie en gestion et développement des territoires, il occupe en parallèle un job d’agent de service dans un hypermarché de Poitiers. Vingt-et-une heures hebdomadaires à nettoyer et préparer le magasin pour accueillir les clients de la journée. Autant dire que cette expérience n’a rien à voir avec l’image idyllique des séjours Erasmus, popularisée par L’Auberge espagnole de Klapisch. Mais elle existe et pour le faire savoir, Wilguens a décidé de participer à l’atelier « Filme ton job étudiant », organisé chaque jeudi en fin d’après-midi sur le campus. Les premières images qu’il a filmées avec son smartphone le montrent se rendant à son boulot, de nuit dans le froid. « Mon réveil sonne à 4h tous les jours, je travaille de 5h à 8h30 et ensuite j’enchaîne sur mes cours, explique le jeune homme avant de décrire sa note d’intention. Je veux montrer la France qui se lève tôt pour bosser et qui fournit beaucoup d’efforts. »

Pendant cet atelier dirigé par le réalisateur Yves Gaonac’h, les participants évoquent leur propre parcours à tour de rôle. Maria, jeune Ukrainienne débarquée juste après l’invasion de son pays par la Russie, n’a rien d’autre pour vivre que son emploi de serveuse au resto U. De son côté, Charles cumule deux postes en plus de son master d’assistant à la mise en scène. 
« Dans mon film, j’aimerais parler à la fois de l’aliénation par le travail et des opportunités d’avoir un travail-passion. » « Filme ton job étudiant » fait partie d’un cycle d’animations organisé par l’université autour de la thématique « Je travaille pour étudier » (lire ci-contre). En 2018, 35% des étudiants inscrits au sein de l’établissement poitevin déclaraient avoir un job alimentaire, 60% des master 2. « Aujourd’hui, avec la pandémie et la précarité des familles, je suis convaincue que c’est davantage encore, souligne Sybille Lajus, vice-présidente en charge de la Vie étudiante, de la Culture et du Sport. Nous avons imaginé ce cycle pour que les étudiants puissent s’exprimer, connaissent leurs droits et sachent qu’ils ne sont pas seuls. » « C’est aussi intéressant pour nous car les échanges font remonter des problématiques que nous devons résoudre », poursuit Céline Magnant, directrice de la Maison des étudiants, également dans la boucle.

Des compétences 
en plus

Point positif, un job étudiant n’est pas forcément néfaste à la réussite des étudiants. Il peut même avoir des effets bénéfiques insoupçonnés. « Lorsque l’emploi est correct, c’est un plus pour les étudiants, c’est pour cela que l’université aide ceux qui le veulent à en trouver un, assure Sybille Lajus. A titre personnel, j’ai encouragé mes enfants à travailler. » Ce n’est pas Daphnée, 23 ans, nouvelle chargée de projet culturel à la MDE qui dira le contraire : « J’ai bossé dans l’animation auprès des enfants et occupé plusieurs postes au Futuroscope. J’ai appris le sens du contact et à être à l’aise à l’oral. J’avais des choses à dire en entretien. » De son côté, Wilguens est confiant lui aussi : « J’abandonne rarement, mon emploi ne m’empêchera pas d’assurer mes obligations académiques. » Reste à profiter davantage des soirées étudiantes. Son film, comme ceux des autres, sera diffusé le 4 avril à 19h au Dietrich dans le cadre du festival Filmer le travail.

Agenda
« Je travaille pour étudier », demandez le programme !

Plusieurs films sont à l’affiche de ce cycle sur les jobs étudiants. A commencer par Jeunes de services du réalisateur poitevin Jérôme Polidor sur la désillusion exprimée sur le service civique (jeudi 23/2 à 17h30 à la médiathèque Mitterrand). L’âge adulte d’Eve Duchemin montre le parcours de Sabrina, 20 ans, serveuse le jour et strip-teaseuse la nuit pour payer les travaux de sa maison et ses études d’aide-soignante (jeudi 16/3 à 15h à la MDE). Chaque film est suivi d’un débat avec des experts.
Des spectacles sont aussi au programme. Etienne A., une pièce de Florian Pâque, présente les tâches quotidiennes d’un employé d’Amazon qui, le soir de Noël, s’enferme dans un carton pour rêver d’une autre vie (mardi 21/2 à 20h30 à la MDE – Tarifs : 8€/gratuit pour les étudiants). Ouragan de la Cpie Le Boréal, est un spectacle de théâtre et danse où cinq performeurs jouent un même rôle, celui d’Abdeslam, livreur de nouilles et de pizzas à vélo en proie à des doutes sur sa vie. La représentation sera suivie d’un débat avec l’auteur Arno Bertina (lundi 6/3 à 19h à la MDE).
A noter aussi le Blablatap, un temps d’échanges sur le thème « avoir 20 ans aujourd’hui : les jeunes et le travail » (mercredi 22/2 à 18h au Tap). Des spécialistes viendront répondre à toutes les questions sur le statut d’intermittent du spectacle (17/3 de 12h à 15h à la MDE), sur les métiers de la fonction publique (17/3 de 9h à 17h à la MDE) ou encore sur le droit du travail avec un titre de séjour étudiant (le 30/3 de 13h à 15h à la MDE). Un atelier de coaching CV et motivation se tiendra le 6 avril à 12h (MDE), sans oublier le Summer job, des rencontres directes avec des employeurs le 23/3 de 18h à 20h au RU Rabelais.
Réservation conseillée pour l’ensemble de ces temps événements. Plus d’infos sur univ-poitiers.fr/je-travaille-pour-etudier

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