Benoît Elleboode (ARS) : « Soigner le patient hôpital public »

A partir du 3 avril, les rémunérations des médecins intérimaires seront plafonnées dans les hôpitaux publics, de quoi susciter le mécontentement d’une partie d’entre eux. Le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine, Benoît Elleboode, rappelle les objectifs de cette mesure et précise l’organisation prévue en cas de tensions dans les services.

Romain Mudrak

Le7.info

Pouvez-vous préciser quels sont les objectifs du plafonnement des rémunérations des médecins intérimaires ?
« Il y a trois objectifs au plafonnement prévu par la loi Rist. D’abord, l’intérim était tellement mieux payé que c’était devenu un véritable projet professionnel pour certains qui n’envisageaient plus de passer titulaires. C’est tout à fait logique d’avoir des intérimaires pour remplacer les malades par exemple, mais quand vous commencez à avoir une proportion trop importante, ça déstabilise l’organisation des services. Comme ils sont employés à la semaine, à 48 ou 24 heures, on a du mal à élaborer les plannings. On ne sait pas s’ils seront là et, surtout, ils peuvent annuler à la dernière minute sans donner de raison. Cela jouait aussi sur l’attractivité des titulaires qui étaient sûrs de devoir prendre toutes les gardes à Noël et pendant les congés puisque les intérimaires n’étaient pas là. Deuxième raison, à force d’être très bien payés, les intérimaires ne bossaient plus beaucoup. Quand vous être payés 2 000€ la journée, travailler trois ou quatre jours par mois suffit bien. Dans un contexte où on manque de temps médical, on favorisait un système qui en faisait perdre. Enfin, le troisième objectif consiste à assainir les finances des hôpitaux qui commençaient à subir des surcoûts importants liés à l’intérim. C’est normal d’être un peu mieux payé en tant qu’intérimaire car il y a une sorte de précarité, mais pas deux fois plus… »

Vous attendez-vous à des difficultés particulières dans certains services de la Vienne ?
« On arrive à remplir les plannings d’avril de jour en jour car les intérimaires voient bien que le ministre ne reviendra pas sur la loi, même si certains veulent faire le forcing. On part du principe que les intérimaires ne vont pas abandonner la médecine. D’autre part, on considère qu’ils devront travailler un peu plus et qu’ils s’inscriront sur des contrats longs, ce qui facilitera l’organisation des services. On pense aussi qu’ils reviendront dans les établissements où ils ont l’habitude d’aller. Tout cela devrait améliorer la situation. Néanmoins, sur le dernier point, je lancerai une étude en mai-juin afin de savoir ce qu’ils sont devenus. Cette façon d’utiliser l’intérim tuait petit à petit l’hôpital au fur et à mesure qu’il remplaçait les fonctions de titulaires. Certains établissements avaient plus de 50% d’intérim dans une spécialité. Pour soigner cette maladie, on va procéder à une opération chirurgicale, ça va se sentir un peu mais c’est nécessaire pour soigner le « patient » hôpital public. »

Quelle organisation mettrez-vous en place en cas de tension ?
« Quand on a une situation de tension, liée à une grève, une épidémie ou autre, on applique les mêmes principes : maintenir l’offre de soins le plus longtemps possible. Quand on ne peut pas le faire, on priorise le niveau de soins le plus élevé. Exemple : on va favoriser une maternité de niveau 2 plutôt que celle de niveau 1 parce que ce que peut faire la première, la seconde peut le faire aussi. Par ailleurs, on travaille sur la solidarité territoriale. Autrement dit, on regroupe à un même endroit les anesthésistes et les chirurgiens qui nous restent. On anticipe les éventuelles difficultés en espérant ne pas avoir à réagir. On a prévu de communiquer la semaine prochaine [cette semaine] sur les plannings à venir. »

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