Abderrazak El Albani, géologue-trotteur

Cette saison, Le 7 pose ses valises dans le bureau de personnalités locales, en quête de ce qui fonde leur méthode de travail. Sixième volet sur le campus de Poitiers, avec le géologue de l’Institut de chimie des milieux et des matériaux (IC2MP) et professeur des universités Abderrazak El Albani.

Claire Brugier

Le7.info

L’antre du professeur géologue 
Installé au deuxième étage du bâtiment B35 du campus de Poitiers, le bureau d’Abderrazak El Albani est rarement occupé et pourtant riche de souvenirs et... de fossiles. « Il y a deux pays sur ce bureau, le Gabon et le Maroc, et deux périodes. Les premiers fossiles ont 2,1 milliards d’années, les autres 520 millions d’années, ils datent de « l’explosion cambrienne ». Pourquoi atterrissent-ils sur mon bureau ? Pour répondre aux sollicitations des étudiants, des collègues... Ce sont les pièces à conviction du géologue. On essaie de les faire parler », glisse celui qui a un jour songé à devenir policier, comme son père.

L’indispensable marteau 
« Un géologue qui n’a pas de marteau n’est pas un géologue ! Il permet de casser la roche mais aussi, dans les pays où il y a un serpent par mètre carré, de l’enlever. Le marteau est capital. » 

Souvenirs en images 
« Je suis né à Marrakech. J’ai fait ma thèse à Lille et mon post-doc à Kiel, en Allemagne. » Sur les murs, des photos de sa ville natale, un cliché pris sur une plage avec son meilleur copain allemand, une carte postale du voilier de la fondation Alexander Von Humboldt qui lui a offert une bourse postdoc de deux ans, une carte du passage du Gois où il emmène ses étudiants... 

Découverte majeure 
En 2008, au Gabon, le chercheur et son équipe ont mis au jour le plus vieux macro-fossile multicellulaire connu, daté de 2,1 milliards d’années. En témoignent discrètement dans son bureau -« je n’aime pas trop exposer ça »-, une reproduction format A5 de la couverture de Nature punaisée au mur et un cube en cristal de verre imprimé en 3D. Depuis, le géologue se rend dans la région du Haut-Ogooué « une à deux fois par an ». Il attend l’inscription à l’Unesco -en cours- du site fossilifère de Moulendé, dit « carrière Socoba », et de la pile nucléaire de Mangombé. 

Les voyages toujours 
Sur une armoire, un globe... « pour mon côté globe-trotteur, sourit le chercheur. Je rêvasse devant. Je suis mobile dans ma tête. Si tu n’aimes pas la mobilité, tu ne peux pas être géologue ! Entre fin janvier et début mars, j’ai parcouru 45 000km. Mon bilan carbone est extraordinaire, seulement je ne voyage pas pour aller me faire bronzer sous les cocotiers mais pour faire du terrain, apprendre à des congrès, être le VRP de l’université et de la recherche en général auprès de décideurs politiques. » Cartes géologiques, photos, pass pour des congrès, affiches de conférences... « Les projets de collaboration à l’international me passionnent. On apprend toujours des autres. »

Traces d’ailleurs 
« J’aime que le bureau soit aéré mais qu’il garde trace. » Chaque objet a une histoire, comme cet éléphant gabonais, ce dromadaire mauritanien, cette salamandre argentine, ces boutons de roses séchées marocaines présentés dans une coupelle, « travaillée dans une roche qui contient des fossiles »... et puis cette boule ukrainienne. «. Elle m’a été offerte par un doctorant de Dnipro, non loin du front actuel. Pour arrondir ses fins de mois, ce chercheur sculpte des objets. Cette roche a 2,7 milliards d’années ! » 

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