Les punaises et le lion

Le Regard de la semaine est signé Sarah Sauquet.

Le7.info

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Un mal qui répand la terreur, mal que le ciel en sa fureur inventa pour punir les crimes de la terre, les punaises de lit (puisqu’il faut les appeler par leur nom) faisaient aux êtres humains la guerre. Ils ne se grattaient pas tous, mais tous étaient frappés. Les punaises des villes invitèrent les punaises des champs, d’une façon fort civile, à des reliefs de sang. Sur des matelas, dans des fauteuils, des cinémas, des locations, les couverts furent mis. Je vous laisse à penser la vie que firent toutes ces amies. Les régals furent fort honnêtes, rien ne manquait aux festins.

Du palais d’un lion, les punaises un beau matin s’emparèrent ; ce sont des rusées. Le maître étant absent, ce leur fut chose aisée. Elles portèrent chez lui leurs pénates un jour qu’il était allé faire à l’aurore sa cour, parmi le thym et la rosée. Après qu’il eut trotté, fait tous ses tours, ce félin retourne aux lumineux séjours. Les punaises avaient mis le nez à sa fenêtre. 
« Ô dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?, dit le quadrupède chassé de son logis. 
Ô là, Mesdames les Punaises, que l’on déloge sans trompette, ou je ferai venir la bise, et avertirai toutes les fourmis pharaons du pays. Penses-tu, lui dirent les punaises, que ton titre nous fasse peur ni ne nous soucie ? Une armée est plus puissante que toi, or nous la menons à notre fantaisie. » Dans l’abord, elles prennent leur temps, fondent sur le cou du lion qu’elles rendent presque fou. Il écume, et son œil étincelle ; la rage alors se trouve à son faîte montée. Les invisibles ennemies triomphent.

Les punaises vont partout crier victoire. Elles broutent, elles se reposent, elles s’amusent à tout autre chose qu’à la vampirique gageure. En chemin, elles rencontrent une fourmi pharaon. La fourmi n’est pas révérencieuse, c’est là son moindre défaut, et voilà nos punaises qui connaissent une triste fin.

Quelle chose par là nous peut être enseignée ? J’en vois deux, dont l’une est qu’entre nos ennemis les plus à craindre sont souvent les plus petits ; l’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire, qui périt pour la moindre affaire.

Librement inspiré des fables de Jean de La Fontaine :
- Les Animaux malades
de la peste

- Le Rat de ville et le Rat 
des champs
- Le Chat, la Belette 
et le Petit Lapin

- La Cigale et la Fourm
- Le Lion et le Moucheron
- Le Lièvre et la Tortue

CV express
Parisienne amoureuse de la Vienne. Littéraire passionnée par la pop culture. Prof de lettres, autrice, créatrice d’applications littéraires. Curieuse des êtres, sensible aux choses de la vie et trajectoires complexes. Aimerait vivre dans un film de Claude Sautet. Dr Fervente Mrs Inquiète. Atteinte d’une Mala- die inflammatoire chronique de l'intestin (Mici).

J’aime : le goût de l’effort, l’empa- thie, l’audace et le courage, prendre un thé chez Jasmin Citronnelle à Poitiers.

J’aime pas : la flagornerie, la malhonnêteté intellectuelle, la jalousie.

DR Emilie Château

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