Jean-Pierre Duffourc-Bazin, le théâtre et lui

Jean-Pierre Duffourc-Bazin. 81 ans. Châtelleraudais de toujours. Fondateur en 1964 du Théâtre populaire de Châtellerault. Comédien et metteur en scène amateur, autodidacte et passionné.

Claire Brugier

Le7.info

Il lui arrive de prendre des vacances, une semaine par-ci, quinze jours par-là, mais avec parcimonie. « C’est que le TPC me prend plus de 35 heures par semaine ! », s’exclame Jean-Pierre Duffourc-Bazin. A 81 ans, « un âge à ne pas révéler à quiconque », le Châtelleraudais se décrit comme « un activiste ». 
S’il a pris sa retraite d’expert agricole et foncier en 2006, il n’a certainement pas dit son dernier mot concernant le Théâtre populaire de Châtellerault, même s’il vient d’en céder la mise en scène à deux fidèles comédiens, Nelly Vila et Gaël Perron. Cette troupe, il l’a fondée en 1964, avec son épouse et quelques joyeux drilles inspirés. Mieux encore, 
« je suis né en même temps que le théâtre ! », déclare-t-il un brin emphatique mais assurément sincère. 


A l’état civil, Jean-Pierre Duffourc-Bazin a ouvert les yeux sur le monde moins de vingt ans plus tôt, à Naintré, d’une mère employée dans un magasin de tissus et d’un père… expert agricole et foncier. Le garçon, « gentil mais dissipé », a connu le pensionnat au cours complémentaire de Chauvigny. « Le principal avait suggéré que je fasse du théâtre, il avait sans doute senti que ce drôle avait une aptitude… », raconte le 
« drôle » en question de sa voix rocailleuse. Une voix de conteur. « Je n’ai pas suivi son précepte, je voulais faire comme mon père. » 
Et ainsi fut fait, quarante-trois ans durant. « Dire que j’y ai trouvé beaucoup de satisfaction, certainement pas, mais je faisais en parallèle du théâtre amateur, ce qui me permettait de vivre plus… sereinement. » A 18 ans, Jean-Pierre Duffourc-Bazin n’a donc pas quitté sa province 
-« je ne suis pas allé plus loin que mon village » (sourire)-, il s’est acoquiné à d’autres jeunes gens pour créer Arts et théâtre, 
« une petite troupe qui jouait des c... ». Court silence. « Comme dit le poète(*), on n’est pas sérieux quand on a 18 ans… » 


1964

Le théâtre, pour lui, n’était déjà plus chose avec laquelle on badine. En collaboration avec Charles Kayser, alors maître de ballet à Châtellerault, le jeune théâtreux a monté Les Jours heureux, enchaîné les expériences parmi lesquelles, en 1964, un stage national de la Fédération des œuvres laïques à Grenoble. Le TPC était prêt à éclore, avec la complicité de sa future épouse, Nicole. Est-ce le théâtre qui a rapproché les deux jeunes gens ? « Non, c’est la Rosée du matin. » Du nom d’un bal châtelleraudais... 


« On s’attache aux choses que l’on connaît bien »

Il a ensuite fallu sacrifier au service militaire. Jean-Pierre 
Duffourc-Bazin a été incorporé un 2 janvier « dans le 17e bataillon de chasseurs à pied à Tours ! 
(le ton est martial). Mais les classes se faisaient à Brive-la-Gaillarde ». Elles auront été de courte durée. « Non seulement je n’avais pas l’esprit très belliqueux mais j’ai eu des soucis de santé et j’ai été hospitalisé. Résultat : ils m’ont relâché en mai. » 
Le jeune homme n’est donc jamais resté bien longtemps éloigné des planches, encore moins après la création du TPC.


Fruit d’une époque, le Théâtre populaire de Châtellerault s’est inscrit, son nom en témoigne, dans la droite ligne du courant initié par Jean Vilar, directeur du Théâtre national populaire et fondateur, en 1964 précisément, du Festival d’Avignon. « L’idée était de faire du théâtre pour le plus grand nombre mais à partir d’un répertoire intéressant. A l’époque, les troupes professionnelles étaient rares en province. » 
La Locandiera de Carlo Goldoni en 1966, Le Cheval Caillou de Pierre Haley exporté au Québec en 1969, le cabaret Autour du Chat noir joué 71 fois -le record du TPC- au mitan des années 1990… « On n’a pas démérité », constate l’autodidacte, à la veille des soixante ans d’un théâtre qu’il a élevé comme son enfant. Sous la mèche argentée, les yeux rieurs et les propos souvent espiègles ne doivent pas faire douter de la pugnacité du personnage. « J’ai de la fantaisie dans le théâtre mais je suis cartésien dans le raisonnement. Je crois beaucoup à la science et je ne me prête pas à n’importe quelles élucubrations… » 
Les pieds sur terre, le cœur sur scène. Quant au reste… 


Petit-fils de manuchard

Peut-être le petit-fils de manuchard aurait-il pu jeter l’ancre quelque part sur la côte landaise chère à sa grand-mère maternelle, non loin de Capbreton. 
« Si j’avais dû m’échapper de Châtellerault, cela aurait été après le service militaire, après ma profession m’a attaché ici, dans le ressort de la Cour d’appel. Je ne suis pas intrinsèquement lié à cette ville mais la vie m’ayant laissé sur place… On s’attache aux choses que l’on connaît bien. » Loin des histoires de théâtre, la pudeur affleure et le récit s’estompe. « Oh je cherche mes mots, c’est épouvantable !, gronde le comédien et metteur en scène. On en plaisante mais au bout du compte la vieillesse est tout de même un naufrage. Ce n’est pas brutal, on prend doucement l’eau… » 


(*)On n’est pas sérieux quand on a 17 ans, poème d’Arthur Rimbaud.


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