Akos Nicolas Roth. 80 ans. Signe particulier : baron hongrois installé à Montmorillon. De nationalité britannique. A grandi en Afrique du Sud. A travaillé dans l’exportation toute sa vie. Jeune marié. Croit au pouvoir inégalé du rire.
Chemise rose pâle, pantalon blanc et chevelure assortie -à moins que ce ne soit l’inverse-, Akos Nicolas Roth porte ses
80 printemps avec une élégance toute aristocratique. Le baron hongrois, fait citoyen britannique par la vie, a grandi en Afrique du Sud, fait des études en Suisse, migré en Angleterre avant de s’installer dans le Sud de la France, puis… dans le Montmorillonnais. Un étonnant parcours qui l’a finalement mené jusqu’à cette petite maison, dans cette petite cour, à cette petite table sur laquelle, en ce début d’après-midi, Susie a déposé un plateau garni de théières, l’une pour le thé, la seconde pour le lait -la dame est Anglaise-, de jolies tasses avec un liseré d’or et deux assiettes de sablés et de « dead dogs » chocolatés. « Ce sont deux des soixante-quatre raisons pour lesquelles je l’ai épousée », plaisante Akos. Les deux tourtereaux ont convolé en justes noces le 23 avril dernier, quelques mois seulement après leur rencontre. « C’était le 10 août. J’ai vu cette dame qui prenait un café à l’Hôtel de l’Abbaye, à Saint-Savin. Enfin, j’ai d’abord vu son chien. » Sur le visage de l’octogénaire, le sourire est espiègle, presque enfantin. « Susie vous dira que j’ai entre 15 et 25 ans, avec quelques années d’expérience (re-sourire). La vie est trop courte. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas être sérieux, mais c’est toujours mieux de rire. » Alors Arkos croque chaque instant avec gourmandise.
Enfant en Afrique du Sud
A sa main droite, la chevalière aux armes familiales est l’une des rares traces de ses origines transylvaines. Sa mère lui a offert lors de son 21e anniversaire. Ce jour-là, le jeune homme, né à Cluj -aujourd’hui la ville roumaine de Kolozsvár- s’est découvert baron de Leveleki. Point. Il est devenu noble sans histoire ni héritage. « C’est plus de l’ordre de la sensation, le sentiment qu’il y a quelque chose derrière, une responsabilité morale. » Même si le facétieux monsieur s’imaginerait volontiers descendant de Dracula, la réalité est tout autre. Orphelin de guerre à 3 ans et demi, Akos a grandi aux côtés d’un beau-père qu’il a considéré comme son père tout le reste de sa vie. « Ma mère et lui ont décidé de quitter la Hongrie en voyant la grande main de l’ours soviétique qui descendait sur le pays. Pour mes parents, la Hongrie n’existait plus. Je sais juste qu’ils ont échangé cinq propriétés que ma famille avait au nord-est contre des visas pour l’Afrique du Sud, via l’Angleterre. Mon père (ndlr, son beau-père) possédait la plus grande tannerie d’Europe, nationalisée par les Russes. Il avait des contacts dans le cuir là-bas. » Le jeune garçon a donc grandi dans l’hémisphère sud, loin de ses racines, enfouies dans la mémoire maternelle.
« A cette époque, l’Afrique du Sud était un pays formidable pour grandir ! J’ai étudié auprès de frères irlandais. J’ai fini l’école à 16 ans, avec deux ans d’avance. A cette époque, j’avais encore quelques cellules grises… »,
glisse le brillant élève qui a ensuite pris la direction de Lausanne, en Suisse, pour y étudier la littérature française chère à sa mère, diplômée de l’université de Nancy et représentante de l’Alliance française en Afrique du Sud. Preuve qu’il n’était guère possible de déroger à la volonté maternelle, Akos, la vingtaine, voulait devenir biochimiste, à défaut d’être médecin comme son père biologique car « il avait fait jurer à ma mère que je ne serais jamais médecin ». Mais bientôt lassé d’étudier, le jeune homme a voulu travailler. Son père, alors directeur des exportations chez Wolsey (tricot et laine), l’a envoyé faire ses armes commerciales ailleurs. La suite ? « J’ai été dans l’exportation toute ma vie ! »
Bouliste invétéré
En mars 1960, les émeutes meurtrières de Sharpeville ont convaincu ses parents de déménager à Londres. Plus tard, ils ont pris leur retraite dans le Var, dans « une jolie villa avec un hectare de vigne », dépeint leur fils qui, après leur décès (sa mère en 1999, son père en 2003), s’y est installé à son tour. « Je me suis dit que c’était une invitation du Destin à recommencer une nouvelle vie en France. » Sans doute le Destin savait-il déjà qu’il y renouerait avec sa fille aînée, née de son premier mariage. Il ne l’avait pas vue grandir, elle habitait près de Béthines. Le père de trois enfants -deux fils d’une deuxième union-, également grand-père de trois petites-filles, a emménagé non loin d’elle, dans le Montmorillonnais, en poursuivant son activité de traduction du hongrois, du français et de l’allemand vers l’anglais.
Piscine, gym en salle, escrime, tir à l’arc, à la carabine… A ses heures jamais perdues, le fringant octogénaire est aussi un touche-à-tout sportif, par ailleurs « très grand amateur de pétanque ». « Je suis licencié depuis dix-huit ans », assène avec fierté Akos. L’ancien rugbyman s’est fait une raison : il ne jouera pas pour le Pays de Galles mais… « Mon rêve -on peut encore en avoir à mon âge- serait de participer au championnat international la Marseillaise. » Il sourit d’envie, Susie acquiesce.