SPN, la fin d’un réseau numérique

A Poitiers, le Réseau des professionnels du numérique et de l’image (SPN) cesse ses activités. Etranglé financièrement, le cluster basé au sein du tiers-lieu Cobalt laisse six salariés sur le carreau.

Arnault Varanne

Le7.info

L’audience au tribunal judiciaire du lundi 19 mai aura donc scellé le sort du SPN. L’association, née en 2001 de la volonté de quelques entreprises de promouvoir les activités numériques et de créer une filière sur le territoire, stoppera ses activités le 6 juin, vingt-quatre ans après sa création. Un liquidateur judiciaire est chargé d'expédier les affaires courantes. C'est la fin d’un réseau qui a compté jusqu’à 200 membres dans les quatre départements de l’ex-Poitou-Charentes, moins 
d'une cinquantaine en 2025. « Le SPN ne va pas bien depuis quatre-cinq ans, observe Philippe Baudelot, membre et administrateur de la structure, spécialiste de la création de sites. A titre personnel, j’y ai rencontré plein de gens intéressants. Mais pas sûr que la gestion d’un lieu comme Cobalt ait été la mission du SPN... »

La « chute » du Réseau des professionnels du numérique et de l’image (6 salariés qui seront licenciés) s’explique d’abord par des comptes d’exploitation très dégradés : 
-80 000€ en 2022, -30 000€ en 2023 et -120 000€ l’année dernière. Intenable sur un budget de 800 000€. « La transformation du paysage numérique est une réalité, observe Romain Papuchon, co-président du SPN. Les Technopoles ont intégré certaines missions réalisées par le réseau et même embauché des salariés du SPN. L’Institut du numérique responsable a vu le jour, un campus cybersécurité a été créé en Nouvelle-Aquitaine, le pôle de compétitivité Enter a aussi été lancé... L’association a eu du mal à trouver sa place, d'autant que les organismes de formation en ligne ont émergé. »

« Un bel historique »

Il faut ajouter à ce tableau déjà sombre les difficultés à attirer, après la crise sanitaire, des porteurs de projet et co-workers à Cobalt, le tiers-lieu que le SPN gère depuis 2017. « Et des charges d’exploitation qui ont augmenté en raison du coût de l’énergie », complète Romain Papuchon. Le départ de la directrice historique Lisa Harel vers Neoloji Technopole, à l’été 2024, a « fait perdre un bel historique » à l’association. Dans ce contexte, et malgré le gain d’un appel à projets pour assurer des formations auprès du Campus des métiers et des qualifications, la baisse de la subvention de la Région de 20% et le retrait de celles des agglos de La Rochelle et Niort ont fini par mettre les comptes dans le rouge. Définitivement.


« De notre côté, nous avons maintenu la subvention de 
140 000€ à son niveau depuis le début du mandat », observe Bastien Bernela, vice-président de Grand Poitiers en charge du Développement économique. L’élu rappelle que la communauté urbaine et la Région ont envoyé un courrier au SPN avant la première audience au tribunal judiciaire de Poitiers, le 14 avril. Dans la missive, les deux collectivités indiquent que « la précédente gouvernance n’a pas souhaité » s’associer au Pôle de compétitivité Enter, basé à Bordeaux. Une erreur fatale a posteriori ?

 

Quel avenir pour Cobalt ?
Depuis 2017, Cobalt et ses 870m2 s’ouvrent en grand à tous ceux et celles qui veulent innover dans le numérique, chefs d’entreprise, porteurs de projet, étudiants... Le tiers-lieu du 5, rue Victor-Hugo, à Poitiers, est géré par le SPN avec toutes les difficultés récentes que l’on sait (lire ci-contre). A l’automne, le cluster numérique a ainsi demandé à se désengager plus tôt du bail qui courait jusqu’en décembre 2025. Sans succès. Maintenant que le SPN n’est plus, quel projet pourrait émerger dans ce bâtiment emblématique du centre-ville de Poitiers ? « Nous travaillons avec Guillaume Philippe sur la réécriture d’un projet pour Cobalt autour d’une maison de la mode responsable, un tiers-lieu textile », répond Bastien Bernela, vice-président de Grand Poitiers en charge du Développement économique. Via l’association Le Comptoir de la mode responsable, Guillaume Philippe, directeur de clientèle chez Blue Com, confirme sa volonté de « faire vivre la filière textile toute l’année », au-delà du festival de la mode responsable (2 éditions, la dernière en octobre 2024) et des rencontres entre professionnels. Un premier comité de pilotage aura lieu le 29 juin. Bureaux, espaces de co-working pour des jeunes créateurs, espaces d’exposition, de réparation, prototypage... Le futur tiers-lieu, s’il aboutit, regroupera énormément d’activités. Reste à savoir à quel moment elles démarreront. « Nous ne mettrons personne dehors », rassure Guillaume Philippe. Vingt-cinq personnes travaillent encore à Cobalt.

 

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