La force sans violence

Le Regard de la semaine est signé Lionel Bertrand.

Le7.info

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Avec une grande attention, le bout des doigts sur le rebord, Lou, millimètre par millimètre, retire le seau qui vient de donner forme à la troisième tour de son château de sable. Du haut de ses 
4 ans, elle contemple quelques secondes son œuvre. Noa en profite pour lui subtiliser ce moule précieux, bien décidé à établir son propre royaume dans la contrée voisine, c’est-à-dire à quelques mètres de là. Pas question que cela se passe comme ça ! Instinctivement, Lou saisit la pelle et lui en colle un coup derrière la tête. Noa, de surprise et de douleur, explose en larmes. Le parent de Lou, très gêné devant le parent du petit Noa en pleurs, prend Lou par le bras et lui tient le discours suivant : « Qu’est-ce que c’est que ça ! Il ne faut pas taper ! Tu m’entends ? Il faut être gentille ! Tu m’as bien entendue ? Gentille ! »

Le cerveau de Lou tire de nombreuses conclusions de cette expérience : « Mes parents ne m’aiment que si je suis gentille en toutes circonstances. Si on abuse de moi, il est peut-être préférable de laisser faire. Je ne suis pas une bonne personne si je me défends. » Il est possible que Lou renonce alors inconsciemment à la force, au courage de faire respecter son espace. Un véritable handicap pour sa vie future.

Il faudra vraiment qu’il y ait de sérieux abus pour que Lou ose se rebeller et dire sa vérité. A moins que sa vie ne soit réellement en danger, il ne s’agit pas pour autant de mettre des coups de pelle à l’autre. S’affirmer, ce n’est pas écraser. Ce n’est pas blesser. C’est dire sa vérité. Défendre son espace. L’apprentissage n’ayant pas été accompagné, le risque est fort que cette énergie ne ressorte pas de façon appropriée. Que Lou ait alors à nouveau recours à une forme de violence, la conduisant à revivre le même scénario d’enfance et à tirer les mêmes conclusions.

Dans le bac à sable, il aurait été important que Lou puisse entendre : « C’est normal que tu sois en colère si on te prend sans te demander quelque chose qui t’appartient. C’est important de ne pas te laisser faire. Si un jour ta vie est en danger, tu pourras même, comme tu l’as fait, donner des coups à l’autre pour te sauver. Mais ici ce n’était pas le cas. Noa a mal et toi aussi, je suis sûr qu’une partie de toi est triste de cela. Il y a d’autres façons de faire. Cela te sera très utile dans la vie. »

Dans sa vie d’adulte Lou aura des combats à mener pour lesquels l’usage de la force s’avérera nécessaire. Notre rôle de parents, d’éducateurs, est de préserver l’accès à cette énergie essentielle tout en apprenant à canaliser son expression pour éviter la violence à tout prix. C’est le message et l’exemple donnés par Gandhi : « La non-violence est la plus grande force à la disposition de l'humanité. Elle est plus puissante que la plus puissante arme de destruction conçue par l'ingéniosité de l'homme. »

CV express
Aujourd’hui coach de dirigeants, coach d’équipes et conférencier après avoir été ingénieur dans l’industrie et co-dirigeant de l’entreprise Rannou-Métivier. Passionné par les relations humaines, par tout ce qui élève, apaise, relie. Sensible, un brin perfectionniste. 

J’aime : mes deux merveilleux enfants, le Centre des jeunes dirigeants, le théâtre d’impro, la rando, les relations authentiques, la place qu’elles offrent à la vulnérabilité et ce qu’elles permettent de faire émerger de beau, de juste.

J’aime pas : les relations de pouvoir qui abîment et bloquent le développement, la domination, le chantage, la vengeance, la fermeture, le rejet, la victimisation, la culpabilisation.  

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