Loïc Obled : « L’eau, il faudra la partager »

Directeur général de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, Loïc Obled a remis la semaine dernière un prix spécial à Grand Poitiers pour l’émergence d’une filière chanvre. L’occasion d’évoquer les tensions autour de la gestion de la ressource... et son stockage.

Arnault Varanne

Le7.info

En quoi le projet de création d’une filière chanvre est-il emblématique ?
« A l'heure du diagnostic, on voit qu'il y aura moins d'eau l'été, qu'il faudra la partager et peut-être adapter nos modes de vie et nos pratiques. Venir ici pour récompenser une dynamique collective, qui mêle une collectivité, des agriculteurs, des industriels pour essayer de créer de la richesse, tout en préservant l'environnement, ça a beaucoup de sens. On pâtit parfois par rapport à un diagnostic de l'absence de solutions ou l'impression. Le chanvre est intéressant car il a besoin de peu d’eau pour pousser et ne nécessite pas de produits phytosanitaires. C’est une culture plutôt rentable sur le marché et lorsqu’une dynamique collective permet de l’utiliser dans la restauration, le bâtiment, cela conduit à une filière écologiquement et économiquement viable. »


« L’agriculture 
a et aura besoin d’eau. »

L’enjeu, dans les années à venir, porte sur la qualité et la quantité d’eau. Comment concilier les pratiques agricoles, industrielles et la consommation humaine ?
« Aujourd’hui, diminuer la consommation d’eau dans les process industriels, on sait faire. Encore faut-il arriver à l’expliquer. Pour un industriel, économiser l’eau signifie ne pas être soumis à un arrêté sécheresse. Cela vaut aussi pour les ménages, tout le monde a son rôle à jouer dans la sobriété. »

Les réserves de substitution sont-elles des solutions pour maintenir une activité agricole ?
« Personne ne peut exclure un bouquet de solutions. On n’arrivera pas à lutter contre le réchauffement climatique s’il n’y a pas d’effort sur la sobriété, sur ce qu’on consomme. On n’y arrivera pas non plus si on n’assure pas les transitions, dont celle du stockage de l’eau sous plusieurs formes. La première bassine, c’est le sol. Il est très important de faire pénétrer l’eau là où elle ne s’infiltre plus. On a urbanisé, on a artificialisé, on a tiré des lignes droites sur les cours d’eau qui ont accéléré leur passage dans les territoires. On sait qu’on va vers des épisodes de précipitations plus rares mais plus intenses. Il faut donc reméandrer les cours d’eau, remettre des haies, à tout le moins préserver les zones humides... Néanmoins, les solutions artificielles, si elles sont permises par le milieu, il ne faut pas les exclure non plus. L’agriculture a et aura besoin d’eau, c’est pour cela que l’Agence de l’eau finance des ouvrages, sous certaines conditions. »

La part des réserves dans le bouquet de solutions doit-elle être plus importante ici qu’ailleurs ?
« Les régions ne sont pas toutes égales face au changement climatique. Ce qui est important, et c'est ce que l'agence essaye de faire, c'est apporter un soutien au débat local pour essayer de faire émerger, non pas des consensus, mais des compromis. L'eau, il faudra la partager. Nous devrons tous boire, manger et travailler. Il faut que nous arrivions à accompagner les secteurs pour qu'ils transforment la contrainte en opportunité. »

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