L’Agence régionale de santé a lancé en novembre une grande campagne de communication autour de la médecine intégrative pour « informer et protéger le public face aux pratiques non conventionnelles ». Une initiative diversement appréciée.
« Un complément, jamais un remplacement ! », « Ça se complète, mais ça ne se confond pas ! », « Ce n’est pas parce que c’est « naturel » que ce n’est pas sans risque »... Depuis quelques semaines, la campagne d’affichage et digitale de l’Agence régionale de santé déferle sur la Vienne comme dans les autres départements de Nouvelle-Aquitaine. Pourquoi cette offensive ? D’abord parce que, selon la Mivilud(*) « 70% des signalements de dérives dans le domaine de la santé concernent des pratiques de soins non conventionnelles ». Ensuite parce que « pour valider une pratique de soin, elle doit avoir des preuves scientifiques de son efficacité et des risques identifiés pour la santé ». Enfin parce que... 71% des Français y ont déjà eu recours selon l’Organisation mondiale de la santé.
Naturopathie, phytothérapie, aromathérapie, étiopathie, sophrologie, hypnose, méditation... La liste des praticiens bien-être s’allonge d’année en année. Avec quels garde-fous ? « On n’effectue pas de diagnostic, on ne prescrit pas de traitement, on n’établit pas d’ordonnance et on ne modifie jamais une prescription médicale », rappelle Stéphanie Trinoli. La naturopathe et réflexologue plantaire installée à Vendeuvre-du-Poitou revendique une expérience de cinq ans... et une formation préalable d’un an et demi à l’Institut français des sciences et de l’Homme. Elle se veut claire : « Nous sommes là pour accompagner, des personnes atteintes de cancer par exemple, avec l’idée de soulager leurs douleurs. Mais nous ne faisons pas de miracle ! »
« Pas d’opposition frontale »
Histoire de casser l’image négative qui colle à la médecine douce -assortie de quelques dérives et procès retentissants-, une vingtaine de praticiens ont créé en 2022 l’Association Santé Bien-Être (ASBE). La structure fédère environ 25 praticiens... mais aussi de simples bénéficiaires. C’est le cas de Morgiane Menaia, nouvelle présidente de l’ASBE. Pour elle, « la communication sur les bonnes pratiques est essentielle ». « Je fais en quelque sorte une passerelle entre les deux mondes », ajoute la coordinatrice maladies rares au CHU de Poitiers qui évoque au-delà « une complémentarité ».
Guillaume Galenne, lui, est installé depuis huit ans à Jaunay-Marigny et sa sortie de la Faculté libre d’étiopathie de Paris. Le praticien, dont la discipline est voisine de l’ostéopathie, refuse « l’opposition frontale » avec la médecine traditionnelle. « La réputation, la conscience professionnelle et l’éthique sont essentielles, nous sommes devant des patients qui souffrent. Les résultats parlent pour nous... » L’étiopathe voit les mentalités évoluer et les barrières tomber. « Un
médecin généraliste de Châtellerault a une liste de cinq à six praticiens vers lesquels il envoie ses patients. J’ai tendance à dire que les gens peuvent aller voir qui ils veulent à partir du moment où ça leur fait du bien et qu’on ne les détourne pas d’une médication essentielle. »
L’Agence régionale de santé précise que sa campagne de com’ vise à « informer sans stigmatiser les pratiques ». Difficile équilibre.
(*)Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
« Le danger des fausses promesses »
Président de l’Ordre des médecins de la Vienne, le Dr Lemercier estime nécessaire la campagne d’information de l’ARS. « Le grand risque, c’est ce que ces pratiques n’aient pas de contrôle, de cadre. Le danger, ce sont les thérapeutes qui affirment des choses ou font de fausses promesses alors que le médecin cultive le doute. » Selon le Dr Lemercier, « Il est déjà arrivé que l’Ordre engage des procédures pour exercice illégal de la médecine. » Pour autant, le généraliste reconnaît que « les gens ont besoin d’être entendus et accompagnés dans leur globalité ».