Le Regard de la semaine est signé Philippe Bouteiller.
C’était un week-end de novembre, plutôt frais avec un soleil qui se jouait des brumes matinales et des nuages. Pour la seconde année consécutive, je participais en qualité d’exposant à ce grand rendez-vous de « La Ferme s’invite ». Et cette fois encore, j’ai vu défiler des cohortes de Poitevins se précipiter pour rencontrer les gens de la terre, voir de près leurs animaux, se renseigner sur leurs pratiques et leur savoir-faire, acheter les multiples produits de leurs fermes, dans une ambiance que les organisateurs avaient voulue festive, malgré les difficultés redondantes de leur profession et l’actualité morose.
Le déferlement de dizaines de milliers de citadins à l’occasion de cet événement annuel donne raison au monde agricole local de s’inviter en ville, de s’obstiner à conserver ce lien si précieux entre deux mondes qu’à tort, de plus en plus de choses séparent. À tort, car les fondamentaux ne changent pas : il faut trouver à manger pour toutes les bouches à nourrir et donc des paysans pour produire. À première vue, l’équation est simple. En fait, elle est de plus en plus compliquée à résoudre. D’un côté, une population croissante, donc des besoins en hausse, avec des exigences qualitatives telles qu’elles impactent souvent la productivité et de l’autre, de moins en moins d’agriculteurs pour répondre à ces objectifs.
Si le consommateur est en droit d’attendre une nourriture abondante et saine, il doit le respect et la confiance à celui qui la produit. Car qui mieux que ces paysans de proximité, croulant sous une montagne de contraintes, de règles et de normes, pourront lui assurer la sécurité alimentaire qu’il attend ?
D’autant que l’accord européen imminent du Mercosur permettra bientôt l’entrée de produits à bas coûts, sans contraintes qualitatives ou environnementales aussi élevées que celles auxquelles nos producteurs doivent répondre et qui devront parcourir des milliers de kilomètres jusqu’à nos assiettes. Une aberration sur tous les plans, hautement politique, qui signera entre autres la disparition assurée d’un grand nombre d’éleveurs par une concurrence déloyale. Comme d’habitude, on leur promettra une aide compensatrice que les élus futurs ne manqueront pas, après coup, de rebaptiser subvention et de réclamer à cor et à cri sa suppression.
Alors, dans ces conditions, faire une entière confiance à la production agricole locale devient une évidence, une question de bon sens. Longue vie à « La Ferme s’invite » et que la marée monte encore et encore !
CV express
Dirigeant d’entreprise durant trente ans, j’ai créé, géré et développé la première société française de conseil en agriculture et en environnement. Retiré depuis 2019 des affaires, j’occupe mon temps libre entre le jardinage, la peinture et l'écriture. J’ai écrit quatre livres dont trois romans (Les Blondel, L’Esquinté, Le froc et la brique), et un recueil de chroniques, « Ah, mon Georges ! ».
J’aime : passer du temps dans mon jardin, écouter les histoires des gens, dévorer des oursons à la guimauve, faire la cuisine, déguster un bon vin, écrire et peindre.
J’aime pas : les conflits stériles, les endives cuites, la foule, l’orage.