Aujourd'hui
Roue d’abondance, pyramide financière, cercle de dons… D’une région à l’autre, les appellations changent, mais l’arnaque demeure. A Poitiers, elle reviendrait en force.
Un lundi soir, dans une belle maison de la banlieue Ouest de Poitiers. Autour de la table, une vingtaine de convives. Mais ici, point de pitance. Seulement du bourrage de crâne. Devant le maître de cérémonie, propre sur lui et souriant à souhait, Laurent, Françoise et Frédérique écoutent religieusement. Les deux premiers attendent pour voir, la troisième s’est déjà engagée. Engagée à quoi ? “A verser 100 € pour intégrer la roue. Cela fait cinq mois et je n’ai toujours pas avancé.”
Le principe est vieux comme le monde. D’une région à l’autre, on lui donne le nom de roue d’abondance, pyramide financière, cercle de dons, tontine… A la base du système, un engagement financier, donc, estimé, selon les rendez-vous programmés sur Poitiers et ses environs, à 100, 500 voire 2 000 €. “Pour espérer progresser dans la roue, explique Laurent, vous devez coopter deux personnes, qui en coopteront elles-mêmes deux autres, qui en coopteront encore deux autres. Si la chaîne n’est pas brisée, vous pourrez vous retrouver au coeur de cette roue et en ressortir avec huit fois votre mise de départ.”
Poursuites pénales
L’affaire paraît lucrative. Mais à y regarder de plus près, elle a des limites grossières. “L’édifice se compose de quinze personnes, poursuit Laurent, vraiment pas convaincu. A chaque cooptation, c’est une nouvelle roue qui se crée. La démultiplication est telle que la majorité des personnes situées sur les cercles extérieurs ne reverront jamais leur argent.” Les statistiques nationales fixent ainsi à 13% seulement le taux d’investissements “gagnants”.
L’arnaque est-elle réelle ? Pour la Direction régionale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, cela ne fait aucun doute. “L’article L122-6 du Code de la Consommation (*) est très clair, souligne-t-elle. Toute personne ne le respectant pas est passible de poursuites pénales. Chaque maillon de la chaîne recrutant un tiers en l’obligeant à payer se retrouve donc en infraction.” Sanction prévue par la loi : 4 500 € d’amende et un an d’emprisonnement. Cela vaut-il vraiment le coup ?
(*) L’article L 122-6 du Code de la Consommation stipule entre autres qu’“est interdit le fait de proposer à une personne de collecter des adhésions ou de s’inscrire sur une liste exigeant d’elle le versement d’une contrepartie quelconque et en lui faisant espérer des gains financiers résultant d’une progression du nombre de personnes recrutées ou inscrites plutôt que de la vente, de la fourniture ou de la consommation de biens ou services.”
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