Petit journal d’une confinée pas toujours très fine. Jour 2.

Chaque jour, la rédaction donne carte blanche à une Poitevine confinée comme les autres. Une quarantenaire en « quarantaine », dont la plume vous accompagnera au cours des prochaines semaines.

Arnault Varanne

Le7.info

Mélange de colère et de stress. Je me suis levée tard, très tard. Comme si je préférais passer plus de temps sous la couette ou refuser la réalité. Ne nous trompons pas, ce n’est pas le fait d’être moi-même confinée qui me fait peur, non. J’ai un toit, de la nourriture, des livres, internet et un téléphone pour avoir des nouvelles des miens, alors tout va bien. Mais je m’inquiète pour un proche qui est outre-Manche et vient tout juste d’arrêter de travailler. Et encore, parce qu’il a un statut d’expatrié.

Vite, Skynews sur l’ordi. Je regarde avec anxiété le blond échevelé, dont le côté iconoclaste me faisait encore bien rire il y a quelques semaines. Aujourd’hui, je suis pendue à ses lèvres et il me fait peur. Sa politique, avec de forts accents darwinistes, m’empêche de trouver le sommeil depuis quelques jours. Et si ici, le système hospitalier dont on peut s’enorgueillir au niveau mondial tire la sonnette d’alarme, alors là-bas, je n’ose pas y penser. J’ai peur, mais pas pour moi, alors que je suis pourtant une personne à risque comme on dit.

Mon proche me rassure depuis avant-hier : « Je suis enfin chez moi, confiné, donc now ça va […] Si tu voyais les rues et les restos : tout se vide… » Tout se vide tout seul, c’est bien ça le problème… Car si la Nation semble prendre son destin en main, ce n’est pas grâce à son chef de gouvernement, même rappelé à l’ordre par l’Organisation mondiale de la santé. Mon proche a pris sa décision de rester là-bas, alors je ne dis plus rien, pour ne pas en rajouter et décide de ranger mes inquiétudes.

Je prends l’air, j’ouvre ma fenêtre du 2e étage sans ascenseur et remarque les petites pâquerettes en bas sur la fine allée de pelouse qui jouxte le parking où nos voitures nous attendent tous. J’adore les pâquerettes. Le printemps se fiche bien du Covid-19 et des mesures de restrictions. Je me dis qu’on a beaucoup de chance d’avoir du beau temps, car pour ceux qui n’ont pas de balcon ou de jardin, on peut au moins ouvrir les fenêtres et respirer plutôt que de regarder les gouttes tomber sur les vitres. Il faut prendre le positif là où il est !

Je lève les yeux et constate avec sourire que certains ont manifestement l’optimisme chevillé au corps. L’une de mes voisines, dans son petit carré de jardin orienté soleil, est allongée sur son transat, en maillot de bain jaune poussin ! Elle a ses écouteurs, fume et boit de l’eau. J’ai un doute le temps d’un moment : sommes-nous bien le mercredi 18 mars 2020 ? Optimisme ou inconscience : et si c’était elle qui avait raison ?

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