Aujourd'hui
L’audience du 8 octobre 2025 dans le bureau de la juge aux affaires familiales du tribunal de Quimper lui avait déjà donné un indice. Le courrier en date du 19 novembre l’a confirmé : Régis Collorec ne devra pas débourser un centime pour subvenir aux besoins de celle qu’il appelle « [sa] génitrice », dont les revenus ne suffisent pas à payer ses frais d’hébergement dans un Ehpad du Finistère. En vertu d’une loi de 1805, il aurait pourtant dû s’acquitter de « l’obligation alimentaire », comme le lui a signifié le Conseil départemental de son département d’origine le 24 juillet 2024, ainsi qu’à ses trois frères et à sa sœur. Une missive comme un missile. « Ça m’a pété à la g... à 55 ans ou presque, soupire-t-il, aux côtés de son épouse Nathalie, soutien de la première heure. J’ai été très en colère, furieux même. Je ne pensais pas qu’ils oseraient. »
Pendant un an, sur les conseils d’un avocat poitevin, Nathalie a donc rassemblé les pièces nécessaires à l’obtention de l’exception d’indignité, prévue par l’article 207 du Code civil. Un dossier de 43 pages transmis à la justice pour attester de cette enfance martyre sur fond d’alcoolisme, de misère sociale, d’abus sexuels(*), de divorce et d’abandon pur et simple. « Il y a trois possibilités pour l’exception d’indignité : soit on fait valoir le délaissement mais il faut le prouver, soit le parent a été condamné et il faut envoyer le jugement au tribunal, soit l’enfant a été placé 36 mois à la Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, ndlr) avant sa majorité », explique Nathalie. Régis, lui, a rejoint sa première famille d’accueil à 16 ans, « à cheval donc entre majorité et minorité ». Malgré tout, les services du Département du Finistère ont été « bienveillants ». « Mais ils sont à un étage de l’autre service qui nous a demandé de payer... »
En « fouillant » dans un passé très douloureux, la famille Collorec a également retrouvé des comptes-rendus de visites des services sociaux. Dès 1984, les quatre enfants du couple auraient pu (dû ?) être placés étant donné les constats accablants réalisés par les agentes du Département. Ce qui ne fut pas le cas à l’époque... Quarante ans plus tard, la secousse est violente. Au point que le père de trois enfants a développé un syndrome post-traumatique complexe à tendance borderline. « J’aurai la paix quand elle sera morte », prophétise-t-il, ulcéré au-delà par les demandes d’amis « du père » sur les réseaux sociaux.
Aussi affaibli psychologiquement soit-il, l’ancien coordinateur du Téléthon veut témoigner pour que la loi évolue (voir encadré). « Combien d’enfants subissent des violences sans être placées et se retrouvent obligés de payer ? » Son cas semble tellement emblématique qu’Envoyé Spécial, sur France 2, lui consacrera un sujet le 8 janvier 2026. A l’occasion du tournage, les 7 et 8 octobre derniers, Régis est retourné sur les lieux de son enfance, devant sa maison, son école, la maison de retraite... Douloureuse expérience.
(*)Son père Jean-Pierre Collorec a été condamné à 12 ans de prison en 1987 pour le viol de sa fille, puis rejugé trois ans plus tard pour le viol de ses deux fils, écopant de 14 ans d’emprisonnement. En 2001, l’intéressé a de nouveau été reconnu coupable de plusieurs viols sur mineurs par la cour d’assises du Calvados, avec une peine de 24 ans infligée, dont 16 de sûreté.
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