Anne Costa : « Nous avons totalement réorganisé le CHU »

Arrivée à la tête du CHU de Poitiers début mars, Anne Costa doit faire face à une crise inédite. La directrice générale salue la mobilisation des personnels hospitaliers et revient sur la réorganisation mise en place pour accueillir les malades atteints par le virus Covid-19.

Laurent Brunet

Le7.info

Quels sont les axes prioritaires du dispositif mis en place au CHU pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ?
« Nous avons totalement réorganisé notre CHU autour de cette crise. Nous avons la « chance » d’être touchés à retardement par rapport à Strasbourg. Nous avons mis en place une unité ambulatoire pour le dépistage des patients. En un peu plus de quinze jours, nous sommes passés de 0 dépistages à 200 ce matin (vendredi, ndlr). Et le nombre augmente tous les jours. Au sein du service des urgences, nous avons isolé une zone pour les patients suspectés d’avoir le Covid-19 et en attente de résultats. Enfin, nous avons dédié une unité à la réanimation. Nous disposons d’une capacité de 67 lits parfaitement équipés avec respirateur, moniteur et système de perfusion ; 25 sont actuellement vacants. Nous avons également 27 lits dans le service des maladies infectieuses, 30 lits en gériatrie et 8 box aux urgences. Hors réanimation, sur le reste de l’établissement, nous disposons d’environ 250 lits vacants actuellement. »

Quelle est l’organisation des personnels, à court et long termes ?
« Personnels soignants et médicaux se préparent à être redéployés vers les secteurs prioritaires liés au Covid-19. Nous avons également rappelé 220 retraités, tous métiers confondus ; entre 30 et 50% ont accepté de venir renforcer les équipes, pour un temps limité. J’ai également insisté sur l’organisation des repos des personnels (1 846 médecins dont 547 internes et 3 700 soignants et personnels éducatifs sur le CHU, le Groupement hospitalier Nord-Vienne et Montmorillon, ndlr), parce que l’on s’inscrit dans un ou deux mois de travail intense. Toute cette réorganisation concerne également les laboratoires, les services logistiques et celui d’imagerie, sollicité pour les dépistages. »

Précisément, le CHU dispose-t-il de tests en nombre suffisant ?
« Oui. Le chef du laboratoire a recouru à trois fournisseurs différents et nous avons fait l’achat d’un équipement de tests supplémentaire. »

Le premier patient atteint du Covid-19 accueilli au CHU était Charentais, Poitiers étant avec Limoges et Bordeaux l’un des trois centres de premier niveau. Aujourd’hui, comment sont répartis les patients ?
«  Il n’y a pas de régulation au-delà des régulations habituelles du Samu. Saintes, La Rochelle et Angoulême ont reçu des patients en réanimation. Aujourd’hui, dans la Vienne, tous les patients suspectés ou atteints de Covid-19 sont dirigés vers le CHU. Les trois autres établissements de Châtellerault, Loudun et Montmorillon restent en seconde ligne mais on a identifié des lits sur tous nos sites. »

Comment le CHU se coordonne-t-il avec les autres acteurs de santé du territoire ?
« A Poitiers, nous sommes en contact avec la polyclinique qui pourra nous aider en cas de débordement. Pour l’ambulatoire nous sommes en connexion quotidienne avec la médecine de ville, via le Samu. »

Qu’en est-il de l’approvisionnement en masques et gants ?
« Pour les masques, nous avons des difficultés. Nous sommes tous inquiets car nous avons choisi de masquer tous les soignants pour les maintenir disponibles. Nous avons reçu des masques hier (jeudi, ndlr) et l’organisation  de leur distribution aux établissements privés et publics est en cours. Des entreprises nous ont spontanément proposé leurs masques et une société qui fabrique du liquide pour cigarettes électroniques s’est mise à produire de la solution hydroalcoolique. »

Bien sûr, la priorité est aux malades mais avez-vous, dans ce contexte économique sans précédent, des garanties du ministère de la Santé sur les moyens qui vous sont octroyés ?
« On met les moyens. Le ministère de la Santé et la Direction générale de la Santé nous ont rassurés sur l’avenir et les dépenses. Ce n’est pas tant la disponibilité de l’argent mais celle des ressources, humaines et matérielles, qui nous préoccupe aujourd’hui. »

Goulibeur, Rannou-Métivier ont fait livrer des douceurs aux personnels. Défi Planet’, à Dienné,  met à disposition des soignants des hébergements. Avez-vous connaissance d’autres propositions du genre ?
« Des hôtels nous ont proposé des hébergements mais pour le moment, les personnels n’ont pas souhaité ne pas rentrer chez eux. Néanmoins je conserve précieusement ces propositions. »

Vous êtes à peine arrivée et déjà confrontée à une crise sanitaire sans précédent.  Comment prend-on les commandes du CHU dans un tel contexte ?
« Il me semble que, finalement, le contexte est facilitant pour faire connaissance avec les hommes et les femmes de l’établissement. Nous avons des contacts bi-quotidiens et facilités par la gestion de crise, par ailleurs compliquée. C’est rassurant. Les équipes sont très professionnelles et se coordonnent facilement. Je suis arrivée le 2 mars, j’ai eu une semaine pour commencer mes visites de l’institution, je les reprendrai après."

Un dernier mot ?
« Que chacun soit vigilant. C’est la seule aide que l’ont puisse apporter à tous les soignants et c’est la seule recommandation que je puisse faire. »

 

À lire aussi ...