La vaine chasse aux œufs des chocolatiers

Pâques représente en général un quart du chiffre d’affaires des artisans chocolatiers. Epidémie de Covid-19 oblige, l’édition 2020 confine à la catastrophe économique.

Arnault Varanne

Le7.info

Depuis le début du confinement, il n'y a pas foule dans les rues piétonnes de Châtellerault. « C'est tristoune », convient Alexandre Burguault. Pas seulement pour le spectacle des passants devant la vitrine, mais aussi pour les affaires. Pâques oblige, le chocolatier de la Mélusine a dû rouvrir sa boutique il y a quelques jours. La période est évidemment cruciale pour l'artisan, elle représente pas moins de 20% de son chiffre d'affaires annuel. Reste qu'Alexandre Burguault ne s'attend pas à un miracle, dans ce contexte de crise sanitaire. « Sur le mois de mars, on a déjà fait 45% de moins qu'en 2019. En avril, on s'attend à des pertes entre 60 et 70%, alors que l'on aurait dû avoir un très bon Pâques cette année. »

« S’il y a quelque chose de positif... »

Pour ne pas mettre en péril l'entreprise, il a été contraint de mettre ses quatre apprentis au chômage partiel dès le 16 mars. Après une brève fermeture, il est revenu s'atteler seul à la fabrication en laboratoire, tandis que sa compagne s'occupe de l'accueil en boutique. Le couple en a profité pour proposer une partie de sa gamme à la vente, en ligne, sur son site internet. A retirer en magasin ou en livraison, c'est la grande nouveauté à la Mélusine. « Une décision prise pour s'adapter dans l'urgence et éviter la catastrophe. Sans ça, il y aurait eu un gros frein sur l'activité de notre commerce. » Alexandre Burguault assure lui-même les livraisons, qu'il répartit sur deux à trois journées dans la semaine. Il livre à chaque fois entre 15 et 30 colis, dans un rayon de 20 kilomètres autour de Châtellerault. 

« C'est une clientèle nouvelle, plus extérieure, remarque le chocolatier. Livrer change beaucoup du quotidien. C'est plaisant de voir le client, pour moi qui suis souvent dans mon laboratoire. A chaque fois, je suis super bien accueilli, les gens s'inquiètent pour nous. Cela crée du lien. » Mais pas de quoi rattraper le manque à gagner attendu sur le mois et alors que la « période creuse » se profile. Alexandre Burguault envisage de développer ce service de commandes en ligne et de livraison à domicile. « On va prendre le temps d'y réfléchir avec notre prestataire car c'est toute une nouvelle organisation à trouver, sans que cela impacte le travail en laboratoire. Mais s'il y a quelque chose de positif à tirer de la situation, c'est bien ça ! »

« Dramatique pour notre profession »

Chez Rannou-Métier aussi, on fait grise mine. Et pour cause, le chocolatier montmorillonnais aux huit points de vente (à Montmorillon, Poitiers, Châtellerault, Saint-Julien-l’Ars et Tours) a dû s’adapter au confinement. « D’habitude, nous faisons l’essentiel de notre chiffre d’affaires en boutique. Sauf que les gens n’osent pas sortir de peur d’être verbalisés », déplore Yann Bertrand, directeur financier de l’auguste maison centenaire. Résultat, le vice-président de la Confédération des chocolatiers-confiseurs de France anticipe une baisse des ventes de « 80 à 85% » par rapport au prévisionnel. La PME a bien mis en place un système de livraison gratuite, multiplié les commandes par Internet -avec une distribution par La Poste aléatoire-, installé un stand au Super U de Vivonne...

Las, ces efforts ne devraient pas être suffisants pour compenser les pertes abyssales et les frais déjà engagés. Pour Rannou-Métivier comme pour d’autres, les fêtes de Pâques se préparent dès janvier (notre photo). « Nous avons acheté la matière première, fabriqué plus de soixante-dix moulages, les pralinés..., illustre Yann Bertrand. Il faut ensuite garnir les œufs, emballer les sujets. Trois semaines avant, 80% de la production est prête. Le Covid-19, c’est dramatique pour notre profession. » Le professionnel n’a qu’un seul mot d’ordre à la bouche : « Apportez un peu de douceur à vos proches dans cette période compliquée. » Hormis celles de Poitiers et Châtellerault, toutes « ses » boutiques restent ouvertes, alors qu’une partie du personnel (60 collaborateurs) est en activité partielle.

Photo archives Le 7

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