Youssef Maiza, au nom des autres

Youssef Maiza, 40 ans. Gérant de sociétés de sécurité. Altruiste. A l’initiative du groupe Entraides citoyennes 86 lancé sur Facebook aux premiers jours du confinement. Passionné par les concerts, la scène et l’arrière-scène.

Claire Brugier

Le7.info

Youssef Maiza. Sur la page Facebook d’Entraides citoyennes 86, son nom revient quotidiennement depuis plus de deux mois. Car Youssef ne s’est pas contenté de lancer une belle idée au début du confinement. Généreux par nature, il s’assure jour après jour de son efficacité. « On est comme ça ou on ne l’est pas, murmure-t-il avec humilité.On ne peut pas s’inventer une vie. »

La sienne a débuté en 1979 à Rabat, au Maroc, en France, dans un entre-deux sans frontière. « J’ai grandi entre les deux pays, j’ai appris les deux langues en même temps, avec des amis de mes parents amoureux du Maroc. Je passais mes vacances d’été à Messemé, près de Loudun. » Messemé, un peu plus de 200 âmes, « trois-quatre fermes »... Youssef en garde une nostalgie amusée. « J’étais un peu l’attraction du coin ! Tout le monde m’accueillait, une petite mamie m’emmenait voir le cochon...» Le quadragénaire, aujourd’hui papa de deux filles, Soraya 14 ans et Inès 7 ans, parle avec affection des gens. « Depuis que je suis gamin, je n’arrive pas à compter le nombre de personnes que j’ai rencontrées, qui sont devenues des amis. » Il faut dire qu’il a appris tôt le goût des autres, auprès de sa mère infirmière et surtout de son père. « Il travaillait pour une ONG internationale, en lien avec l’ambassade des Etats-Unis. » Admiratif, le petit garçon usait de tous les stratagèmes pour pouvoir l’accompagner dans ses missions. Tant pis pour l’école. « Je le suivais quand il allait à la rencontre des enfants de l’Atlas. Ils vivaient dans une misère pas possible, l’hiver dans la neige... Quand ils voyaient arriver mon père avec son Land Rover 4x4, c’était un peu le Père Noël car il apportait des denrées alimentaires, des cartables...» De quoi marquer la mémoire de son fils de façon indélébile. « Mon père était un héros. En plus il avait une valise Motorola et un téléphone satellite ! » Un détail qui comptait dans les années 80, plaisante Youssef qui, en 1998, a rejoint son frère Hassan, installé à Poitiers.

« L'adrénaline de la scène »

Rabat ou Poitiers, « je n’ai pas eu l’impression d’arriver », explique l’ancien élève des lycées Aliénor-d’Aquitaine et Saint-Jacques-de-Compostelle. « Bon en chiffres», il y a obtenu sans conviction un BTS comptabilité-gestion. « Mon frère avait une entreprise de sécurité, il travaillait notamment avec le Confort moderne. » Un lieu familier pour le jeune Youssef, basketteur du PEC (Poitiers étudiant club) à ses heures, par admiration pour Michael Jordan évidemment mais aussi parce que « le basket, c’est spectaculaire, et j’adore le spectacle ! ».

Avec sa stature imposante, 1,85m au garrot, il a vite été recruté par son frère pour donner un coup de main. « J’aurais pu finir technicien lumière ou son. Ou chanteur. Enfin non, pas chanteur parce que je ne n’ai pas une belle voix... » N’importe où mais près de la scène. Pour l’actuel co-gérant de deux sociétés de sécurité (Forcom et FIS Protec), l’essentiel était et reste «l’adrénaline de la scène ».

Aujourd’hui encore, « si je ne devais m’occuper que de la sécurité de magasins, je changerais de métier. Sur un concert, il faut que la sécurité soit en adé-quation avec le jeu scénique de l’artiste. Quand il descend dans la fosse, au milieu de15 000 ou 20 000 personnes, il faut qu’il ait confiance en vous, sourit Youssef. La sécurité d’un concert, c’est du direct et de l’amitié. C’est un tout petit monde, merveilleux. » Que de souvenirs d’arrière-scène... Pour son premier concert en coulisses, au Confort, Youssef a rencontré la Fonky Family, un groupe de hip hop marseillais. « En plus, j’étais fan. » Depuis, « j’ai un peu tout fait, le Confort, le parc des expos, la Rotative, la Blaiserie, Blossac, Au Fil du son, la Voix du Rock... Et j’ai transmis ça à mes filles », lâche-t-il avec fierté, en se remémorant Soraya, 10 ans à l’époque, sur scène aux côtés de Black M, devant 15 000 personnes. Et même pas intimidée !

« On se faisait attaquer, avec des bombes incendiaires parfois... »

Son expérience de sécurité auprès de personnalités politiques s’est avérée moins grisante, « plus technique ». « Quand on assure la sécurité du Premier ministre d’une grande puissance mondiale, il ne faut pas se louper ! » Le Poitevin a fait ses armes au service des ténors du Parti socialiste, sous la direction d’Eric Plumer. « C’était dur, on se faisait attaquer, avec des bombes incendiaires parfois...»

Youssef préfère les contacts humains plus apaisés, comme ceux que la page Facebook Entraides citoyennes 86 a révélés dans l’urgence de la crise. Ou ceux qui naissent autour d’une bonne table. « J’adore la cuisine, la manger pas la faire ! Alors je profite de toutes les invitations, ici et là. Une fois j’ai essayé de cuisiner, ça a été un désastre. » Même Gordon, son labrador de l’époque, a tordu la truffe sur sa gamelle.

Crédit photo : Piko Paseos.

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