Covid-19 : « Sur dix infirmiers, il n’en restait qu’un »

Du 10 au 24 avril, trois infirmières du centre hospitalier Henri-Laborit de Poitiers se sont rendues en Seine-Saint-Denis dans un établissement spécialisé en psychiatrie, fortement touché par l’épidémie de Covid-19. Lucie témoigne de son expérience.

Steve Henot

Le7.info

Lucie, comment vous êtes-vous retrouvée à apporter votre aide à l’établissement public de santé mentale (EPSM) de Ville-Evrard ?

« L'épidémie a amené une réorganisation des unités au sein du CHL, redéployant le personnel sur les unités nécessiteuses, notamment celles créées pour la prise en charge du Covid. Une partie des agents étaient placée en réserve sur un roulement par quinzaine. Au moment où je partais en réserve, j’ai reçu un mail appelant des volontaires pour soutenir l’EPSM. Ce message m’a interpellée. J’étais chez moi alors que je pouvais aider ailleurs. Il m’a paru évident de me porter volontaire. On savait qu’on allait venir en soutien d’une équipe infirmière fortement touchée par l’épidémie. Sur dix personnes, une seule était encore en poste à notre arrivée. »

Sur place, à quelles problématiques avez-vous été confrontée ?

« L’unité avait déjà reçu le renfort d’autres services, mais on sentait que c’était un peu flottant dans l’organisation. Sur la prise en charge, on a retrouvé des pathologies similaires à celles rencontrées à Poitiers. En revanche, on était dans un contexte de plus grande précarité et face à une consommation de toxiques plus importante et diversifiée. L’hygiène et la mise en place des gestes barrières nous a aussi questionnés : quels moyens on donne aux soignants pour leur permettre de bien travailler ? Nous sommes parties avec du matériel de protection (masques, surblouses), le service qui nous accueillait était encore insuffisamment approvisionné. »

Quel impact le confinement a-t-il eu sur les patients de cette unité ?

« Des personnes inconnues des services de psychiatrie ont manifesté des troubles de type bouffée délirante aigüe ou des états de détresse amenant à des tentatives de suicide, nécessitant une première hospitalisation. Puis il y a le deuxième effet Kiss Cool qu’est le déconfinement… Il est très angoissant pour certains patients. Et aussi pour les professionnels de santé qui ont été très exposés au stress de cette situation inédite, leur santé psychique est à prendre en compte sérieusement, dès à présent. »

Que retenez-vous de cette expérience ?

« Qu’il est urgent de reconsidérer notre système de santé et les moyens qu’on y met. Cette période nous montre que quand on tire trop sur la ficelle… Le matériel peut se remplacer, pas l’humain. On a vu aussi que tous les services de santé ont leur rôle à jouer. Urgences, réanimation, psychiatrie, gériatrie… Il n'y a pas de secteur plus noble que l'autre mais bien une complémentarité et la nécessité pour les professionnels de connaître le rôle de chacun. Pouvoir échanger davantage sur nos pratiques pourrait être constructif. »

DR - CH Laborit

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