Dossier - Le local en force

Et si la relance passait par l’économie de proximité ? Exit la mondialisation, vive la relation directe avec le client ! Des universitaires poitevins développent ce concept qui donne du sens au travail des producteurs et laisse la place aux achats responsables.

Romain Mudrak

Le7.info

Une petite musique se fait entendre depuis quelques semaines. La crise du Covid-19 aurait eu le mérite de mettre en lumière les circuits courts. Promis, les consommateurs privilégieraient désormais les produits du terroir, plus sains. Des fruits, des légumes, du fromage et de la viande à la traçabilité irréprochable. Un modèle bon pour la planète et pour le porte-monnaie des agriculteurs installés à deux pas de chez nous. Certes. Mais comme le répète « depuis vingt ans » Jacques Mathé, professeur associé à la faculté d’économie de Poitiers, « le problème ne vient pas de la demande, au contraire, c’est plutôt l’offre de producteurs qui ne suffit pas ». La vente directe de produits alimentaires ne représente que 8% en moyenne d’un panier moyen.

Les plateformes de mise en relation -Amap et autres drives- ont beau se multiplier, la situation reste la même : ce canal de distribution est rarement rentable pour les exploitants agricoles. Avec de faibles volumes, impossible d’investir dans des machines. Le besoin de main-d’œuvre est important. Or, on le sait, elle coûte cher. « Les maraîchers se rémunèrent entre 2 et 3€ de l’heure. Qui voudrait travailler quinze heures par jour à ce prix-là ? », reprend l’expert. Heureusement, ils trouvent d’autres sources de satisfaction : la reconnaissance des clients. C’est d’ailleurs tout le secret de « l’économie de proximité », un concept développé à l’université de Poitiers.

Collaborer avec ses voisins

Reste qu’il faut bien gagner de l’argent ! Pour cela, Jacques Mathé lance une idée parmi d’autres : « Les collectivités devraient financer la création de petits abattoirs ou de cuisines collectives afin que les producteurs puissent transformer leurs produits à moindre coût. » Il cite aussi en exemple le magasin Plaisirs fermiers, fruit de l’initiative de neuf agriculteurs associés, devenus « des professionnels de la distribution », qui proposent une gamme variée et des plats préparés en interne. Cette économie de proximité se décline aussi dans l’artisanat, le tourisme et d’autres secteurs. La Vendée et son écosystème de PME très collaboratives est un exemple. « Là-bas, un produit vendu 100 rapporte trois fois plus en consommation intermédiaire sur le territoire. » Dans la Vienne, c’est une autre histoire. Beaucoup d’entrepreneurs ne savent pas ce que fait leur voisin. Les offres packagées ne sont d’ailleurs pas légion entre les parcs, hôtels, campings et restaurants du département. Et qui propose aux touristes des paniers garnis de toutes les spécialités gastronomiques du terroir dans son établissement ? Pas grand monde. Après la crise de la mondialisation, la relance passera sûrement par des collaborations avec ses voisins directs.

 

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Photo : Archives NPi

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