Rita Noreskal, cheffe de village à sa façon

Rita Noreskal. 46 ans. Maire de Marigny-Chemereau. A mille lieues du sillage tracé par son père, ancien ministre congolais, et pourtant… Mue par une soif d’apprendre et de discussions.

Claire Brugier

Le7.info

« Rita, tu aimes argumenter ! » Rita Noreskal ne compte plus les fois où elle a entendu cette phrase. Elle ne nie pas, convoquant le souvenir des longues discussions qu’elle a pu partager avec son père. « Il était très ouvert au débat, on pouvait parler pendant des heures. » Dieudonné Kimbembe, disparu en 2005, n’a pas uniquement transmis à sa fille, troisième d’une fratrie de cinq frères et sœurs, le goût de la discussion. Lui-même docteur en droit, l’ancien ministre de la Justice et vice-président de l’Assemblée nationale du Congo-Brazzaville n’est sans doute pas étranger à ses études, de droit, effectuées en France comme lui. Il lui aura sans doute aussi instillé cette « vision politisée, qu’on embrasse sans s’en rendre compte », confie-t-elle.

« Je sais qui je suis,
on sait qui je suis ! »

Son père était issu d’une lignée de chefs de village, Rita a été élue dès 2014 première adjointe en charge de l’Urbanisme. Après la brutale disparition de Claude Lambert, en août dernier, elle a repris le flambeau comme maire de Marigny-Chemereau, 615 âmes, dont beaucoup ont son numéro de portable. « En tant que maire, j’ai la responsabilité des 615 habitants. J’apprécie la proximité. Je n’aime pas rester dans mon bureau, je préfère être aux côtés de la secrétaire, pour accueillir les personnes qui viennent en mairie », avance Madame le maire. Madame la maire ? « Tout me va ! Pour certaines avancées, il faut sans doute poser les choses. Mais personnellement, je n’ai pas besoin de les revendiquer, elles découlent d’elles-mêmes. Je sais qui je suis, on sait qui je suis, assène-t-elle. Je suis nue tout de moi. Je ne sais pas si cela se dit, mais j’aime bien. »

Par-delà le masque, le sourire irradie la voix et le regard de la Franco-Congolaise de 46 ans, débarquée à Poitiers à 17 ans après un bac littéraire. « Au début, on vient pour faire ses études, après on s’y attache. » Plus encore quand un conflit interne ravage le Congo, rendant dangereux un retour au pays.

« La guerre civile a bouleversé et bousculé le système que j’ai connu, constate Rita. De son enfance congolaise, au-delà du « côté dictatorial que l’on perçoit de l’extérieur », elle a retenu une particularité du régime socialiste, essentielle. « Nous allions tous dans la même école, les enfants de président, de ministres et les autres. Que l’on arrive en voiture avec chauffeur ou par ses propres moyens, on se retrouvait dans la même tenue scolaire. » Elle-même faisait partie de la première catégorie. « Quand on est enfant, on ne le voit pas, on voit les gens qui défilent, on est heureux, tout simplement. Ce n’est qu’après, lorsque l’on est confronté à une autre réalité, que l’on se rend compte des privilèges qu’on a eus. »

Une éducation duale

Entre un père marxiste convaincu que « la religion est l’opium du peuple » et une mère de confession catholique, élevée par des religieuses -inspectrice des écoles maternelles de profession-, Rita a eu une « éducation duale » dans un environnement largement animiste. De même, elle a grandi à la fois dans la tradition congolaise et la culture française. « Mon père tenait à ce que l’on soit attachés à nos racines. Tous les ans, nous allions à Mouyondzi, notre village de famille. » Depuis, la maman de trois enfants de 21, 13 et 12 ans retourne environ tous les trois ans dans son pays d’origine, mais elle n’a jusqu’à présent pas pu emmener la fratrie. Un regret auquel elle entend remédier un jour car « pour savoir qui on est et où on veut aller, il faut savoir d’où l’on vient ». Elle envisage aussi de créer une association humanitaire pour faire le lien entre ses deux pays.


Petite, Rita s’est tour à tour imaginée « avocate, journaliste, notaire… » Pour finalement intégrer en 2003 le secteur bancaire et ne plus le quitter, tout en prolongeant ses études et en accumulant un master en droit du travail et ressources humaines, un master en droit des affaires et enfin un master 2 en urbanisme et construction. Elle avoue volontiers « une soif de connaissances, la curiosité des choses et de l’autre ». Quitte à s’épuiser. Car « avant de pouvoir argumenter, il faut connaître. » Et surtout, « quel que soit ce que l’on fait, il faut le faire avec entrain. Je n’ai jamais voulu être obligée de faire quelque chose par nécessité. Je suis une passionnée, dans tout. En fait, c’est peut-être une soif de liberté ».

À lire aussi ...