Savoir, pouvoir, vouloir

Le Regard de la semaine est signé Pascal Pérennès.

Le7.info

Le7.info

« Savoir, pouvoir, vouloir, voilà la triple clé », disait Paul Valéry. En s’installant dans la maîtrise industrielle et technologique, nos contemporains se sont concentrés sur le savoir et le pouvoir, en occultant le vouloir trop complexe. On acquiert des connaissances que l’on monnaye professionnellement, renvoyant tout le reste -famille, religion, sexe, amour- au domaine de la vie privée, que l’on glisse sous le tapis, bien pratique pour nous enfermer dans nos certitudes et nos irresponsabilités. Or, depuis bientôt un an, même si les médias nous assomment d’informations à très court terme, il ne vous a pas échappé que nous ne nous sauverons qu’en respectant la planète et qu’une injustice à l’autre bout du monde (Wuhan), ne peut plus nous laisser indifférent : elle nous concerne et nous impacte aussi.

Pour essayer de retrouver un semblant de cohérence, en réinvestissant le champ du vouloir et de nos émotions, permettez-moi de revenir aux fondamentaux : aux Grecs et à leurs nombreuses définitions de l’amour. J’en compte huit, chronologiquement : la parenté (Strogê), le stade ludique de l’émotion (Ludus), la charité divine et religieuse (Agapé), l’obsession due à une faible estime de soi (Mania), le désir charnel et sexuel (Eros), l’amour propre pour construire et vivre son âme (Philautia), la patience pour trouver l’âme sœur (Pragma) et l’amitié solidaire et fraternelle (Philia). En essayant de mettre des images et des sons sur chacune de ces huit définitions de l’amour, nous aurons davantage conscience de notre vouloir pour le vivre en équilibre avec le savoir et le pouvoir. Ainsi, il sera possible -peut-être- de redonner du sens à chacune de nos vies et relativiser l’importance de l’argent omniprésent. Non, il n’y aura pas de « retour à la normale » car cette situation de croissance infinie dans un monde fini était tout sauf normale ! Pour l’heure il faut tenir en gérant les urgences contradictoires, je vous livre ce poème sans titre, écrit il y a plus de 30 ans...

Jamais un coffre-fort n’a suivi d’enterrement,
Ne lui laisse pas tes sous, car il sera absent.

Le dernier de tes jours, dont il se moque bien
Traître sans le savoir, il ne sera plus tien.
Toi tu pensais l’avoir, et c’est lui qui t’a eu
Ta vie est terminée, la sienne continue.
Pensant le posséder ! Que peut-il faire maintenant ?
L’argent est fait pour vivre et ne sert qu’aux vivants.
Je ne connais pas de mort qui en ait besoin
Passée l’âme, les chéquiers ne servent plus à rien.
Seul on est dans sa tombe comme dans son berceau
La somme qui fut gagnée, ne sera pas au tombeau.
Et même si elle y était, que diable pourrait-elle faire ?

Le plus haut des pécules ne remplace pas une mère.
Personne ne vient au monde en y versant des arrhes,
Il n’y a rien à garder au moment du départ.

CV express
Pascal Pérennès, 56 ans, marié, 3 enfants. Professionnel de la mise en œuvre d'une politique du cinéma pour une collectivité territoriale, depuis 23 ans. A écrit, produit et réalisé le moyen métrage Oui, sorti en 1995, premier volet d'un triptyque dont les deux autres volets s'intituleront Non et Peut-être...

J'aime : aimer, "aimer la vie", la Terre, les arts, serrer ma femme dans mes bras, Paul Valéry, le thé, accepter sa finitude, les parfums légers, Duke Ellington, les tomates, l'ironie (surtout picturale), les alexandrins, la bossa nova.

J'aime pas : les pubs radio, l’égoïsme, les extrêmes et surtout l'acceptation fataliste face aux vanités, à la cupidité et aux hypocrisies. Désormais résumé dans différentes formes de dénis, vis-à-vis d'un monde qui vient d'être bouleversé.

 

À lire aussi ...