La musique, leur refuge

A Poitiers, des migrants ont créé une association avec laquelle ils espèrent monter un studio d’enregistrement et aider d’autres jeunes à s’épanouir dans la musique. Une opportunité pour eux de s’évader d’un quotidien pas toujours rose.

Steve Henot

Le7.info

Alphonse habite au sous-sol d’une colocation étudiante, située dans le quartier des Trois-Cités, à Poitiers. Mousse d’isolation phonique et guitares accrochées sur les murs, sa chambre a des allures de petit studio d’enregistrement. Et pour cause, c’est là que le Camerounais de 
20 ans reçoit ses amis de Young Revolution 86 pour écrire et composer ensemble leurs sons. « C’est multiculturel, prévient le jeune homme arrivé à Poitiers fin 2017. On fait du coupé-décalé, du makossa, du rap, de la rumba congolaise, du zouk… » 


Ils sont pour la plupart jeunes majeurs, originaires de plusieurs pays d’Afrique, arrivés en France sans papier mais désireux de s’intégrer. Certains travaillent, d’autres suivent des formations avec le fébrile espoir de voir leur situation régularisée. Leur vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais la musique adoucit leur existence. « Quand je suis arrivé en France, j’ai dormi dans la rue, galéré, raconte Arnaud, qui a reçu une obligation de quitter le territoire en fin d’année. La musique nous change les idées, nous aide à voir la vie d’une autre manière, à ne pas baisser les bras. » Pour Alphonse, elle est « un moyen de s’ouvrir, de s’épanouir ». 


En quête d’un local

C’est ainsi qu’ils ont créé Young Revolution 86, en juillet dernier, au sein de la Maison des Trois-Quartiers. « On a voulu ouvrir un endroit qui soit accessible à tous, explique Alphonse. Si un jeune veut venir faire de la musique, on va l’accompagner dans la technique, valoriser les compétences de chacun. Et peut-être qu’on y apprendra nous-mêmes des choses ! » La signature d’une convention entre le Fonjep(*) et la Maison des Trois-Quartiers a permis un premier financement de matériel à hauteur de 2 000€. Puis 1 680€ ont été récoltés
en fin d’année grâce à une campagne de financement participatif via la plateforme régionale jadopteunprojet.com. « On a aussi reçu plein de messages positifs », se réjouit Lenine, 20 ans.


Cette somme servira au lancement d’un studio d’enregistrement, nommé Alpha Record, lequel ne s’installera pas dans la chambre exiguë d’Alphonse. Vendredi, Young Revolution 86 a rencontré la municipalité afin de trouver un local qui pourrait abriter le studio. « Ce serait plus facile pour se retrouver, plus pratique aussi », convient Alphonse, qui ne manque pas d’idées pour l’avenir. Young Revolution 86 se verrait bien en effet proposer, dans les deux à trois ans, un festival de musiques actuelles, « multiculturelles ». Plus près, elle aimerait sortir quelques disques. Cinq chansons sont déjà enregistrées, l’une rendant notamment hommage à Jérémie, étudiant engagé auprès des mineurs étrangers isolés de Poitiers et disparu en 2019 dans un accident de la route. « On n’oublie pas les gens qui nous ont aidés. Il est dans nos cœurs. »


(*)Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire.

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