Médiation animale : une relation sans jugement

Que se passe-t-il après l’incarcération ? La rédaction décrit le quotidien des détenus du centre pénitentiaire de Vivonne, qui se reconstruisent une vie derrière les murs et se voient proposer des séances de médiation animale. Sans filtre ni jugement, chiens, lapins et même oiseaux les apaisent et leur permettent de se projeter vers la sortie.

Romain Mudrak

Le7.info

A peine arrivée, Mayli grimpe sur la table. Son petit gabarit lui permet de trouver sa place rapidement. A 5 ans, cette jolie femelle Staffie sait se faire comprendre. Mieux encore, elle parvient à adapter son comportement à la personne assise à ses côtés. Ce mardi matin, au centre pénitentiaire de Vivonne, quatre détenus l’entourent. « En arrivant, elle dit toujours bonjour à tout le monde, raconte Betty Loiseau, experte en médiation animale. Elle passe devant chaque personne et, selon la réaction, attend les caresses calmement ou, au contraire, lui refait une toilette totale. »

Mayli capte les regards et interagit avec les humains. Sa gueule impressionnante ne laisse pas indifférent. Mais c’est une boule d’amour ! Un jeu démarre entre les protagonistes. Une sorte de Yams pour définir le nombre de croquettes que chacun donnera à leur partenaire du jour. Une conversation s’enclenche, à laquelle participent même les hommes les plus en retrait. « Les animaux sont sans filtre, ni jugement, ils ne collent pas une étiquette aux détenus », reprend la gérante de Ty 
Nali&co. « Beaucoup sont rejetés par leur famille, certains ont du mal à communiquer, les animaux permettent de libérer la parole », poursuit Adrienne Gilet, infirmière de l’unité de soins psychologiques interne au centre pénitentiaire. Laquelle est pilotée par le Service médico-psychologique régional (SMPR), lui-même rattaché à l’hôpital Henri-Laborit.

Libre comme un chat

Ces actions de médiations animales sont coordonnées et financées par le SPIP 86. Betty et ses animaux -il y a aussi un lapin et des cochons d’Inde- interviennent tous les quinze jours en ce moment. Tristan Plot intervient lui aussi avec ses oiseaux depuis 2017. Les témoignages des détenus, tous volontaires, ne font que confirmer leur engouement pour ce dispositif. « Le chien est le meilleur ami de l’homme. Il me permet de me vider l’esprit, de penser à autre chose », indique l’un d’eux. Un autre, qui préfère visiblement les chats, veut s’inspirer de leur comportement : « Il faut être libre et tranquille comme eux. Avec les animaux, je suis moins stressé. » Tous se sentent plus apaisés. Mais parfois, le souvenir de leur propre compagnon à poils resté à l’extérieur remonte. « J’ai des animaux mais aujourd’hui je ne sais pas où ils sont », déplore un détenu. « Même si le souvenir est douloureux, leur animal est parfois le seul lien positif dans la vie, assure le médecin psychiatre du SMPR, François Brissonnet. Cette émotion est importante. Beaucoup disent qu’ils auront un animal quand ils sortiront. » De quoi les aider à se projeter vers la sortie et une réinsertion réussie.

Pirate, le chat du quartier femmes
Il n’y a pas de chat invité lors des séances de médiation animale... En revanche, un matou s’est bien installé au centre pénitentiaire de Vivonne. Arrivé du centre de détention de Bédenac en février 2019, Pirate s’est trouvé une nouvelle famille ici au sein du quartier femmes. Ces dernières le nourrissent, le câlinent, lui changent sa caisse et l’accueillent dans leur cellule au gré de ses pérégrinations. Involontairement par sa présence, son tempérament, Pirate joue aussi un rôle de médiateur au quotidien... C’est même une star ! Peu de temps après son arrivée, il a été représenté sur une fresque dessinée sur l’un des murs de la cour de promenade, par les détenues elles-mêmes, lors d’un atelier graff animé par l’artiste Saïd Boucenna. Pour le premier anniversaire de son arrivée, les détenues ont or-ganisé une fête et préparé des crêpes.

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