S’entraider pour vivre avec le traumatisme

Porté par l’APF France Handicap, un nouveau Groupe d’entraide mutuelle vient de voir le jour à Poitiers, pour et par les personnes cérébrolésées. Un lieu de partage dans leur vie d’après.

Claire Brugier

Le7.info

« J’ai eu droit à un petit bonus de vie, alors j’arrête d’être pressé. » Bruno Denoues ose enfin regarder la page blanche devant lui. « J’ai l’impression de me réveiller après plusieurs années, répète-t-il. J’ai eu un grave problème cardiaque dû au tabac. J’ai tout récupéré, sauf cette satanée mémoire ! Pour moi, ce qui s’est passé hier est très vague. » Privé d’oxygène trop longtemps, son cerveau a subi des lésions, elles ont chamboulé sa vie. « J’ai perdu ma famille, ma femme et mes enfants qui sont restés à Saint-Nazaire, et je vais être mis à la retraite par l’Education nationale à 46 ans. J’étais instit. Toute ma vie est par terre et je dois la remonter. J’ai tellement de chemins qui s’offrent à moi. »
Les mots disent une envie d’avancer mais le ton reste encore résigné. Un stage dans un studio d’enregistrement -« j’étais musicien », confie-t-il-, le chemin de Saint-Jacques de Compostelle… Le quadragénaire doit se construire une autre vie. Alors logiquement, il a poussé la porte du Groupe d’entraide mutuelle (Gem) pour les personnes cérébrolésées qui vient d’ouvrir dans le quartier de Bel-Air, à Poitiers. « Pour rencontrer des personnes qui ont un problème similaire au mien, voir comment on se reconstruit après ça. » Avec une maladie invisible.

Lutter contre l’isolement

Porté par APF France handicap, avec le soutien de l’Association des familles de traumatisés crâniens, le nouveau Gem -il en existe déjà dans la Vienne dédiés aux troubles psychiques et au spectre autistique- est non seulement destiné aux personnes cérébrolésées mais il est géré par elles, loin de toute contrainte médicale ou administrative. Le Gem est un groupe volontairement informel. « Les membres en sont les acteurs. A eux de créer l’identité de leur Gem », précise Léa Gouaichault, l’une des deux salariés de la structure. « Nous ne sommes là que pour impulser les choses, voir ce que l’on peut faire avec eux pour lutter contre l’isolement », reprend son collègue Pierre Bourry.

Marc Degras connaît le principe. Il a un temps fréquenté le Gem de Niort. « C’était beaucoup mieux que de rester à l’hôpital, on faisait des sorties à la mer, des visites de châteaux, on jouait à la pétanque, aux fléchettes, on organisait des repas de fête… » Depuis 1983, il vit avec les séquelles d’un accident de deux-roues. Il avait 18 ans et travaillait comme employé technico-commercial dans une société de vente par correspondance. Il n’a plus jamais retravaillé. Invalidité. « Une mobylette contre un 
38 tonnes… J’ai eu trois fractures du crâne, un bras, une jambe, six côtes cassés, une épaule démise… » L’inventaire est sans fin. « Je suis resté quatre mois à l’hôpital puis j’ai eu un an de convalescence. Je suis devenu épileptique et, lors d’une opération, ils m’ont sectionné les sinus. Je n’ai plus ni goût ni odorat, juste le sucré et le salé. » Au fil du temps, plus de trente ans, Marc a appris à vivre avec tout ça. Le cheminement peut être long, le Gem est aussi là pour l’accompagner.

Contact : 27, rue Emile-Roux, Poitiers ; e-mail : lea.gouaichault@apf.asso.fr ou pierre.bourry@apf.asso.fr ; Facebook GEM Quartier Bel Air. Les bénévoles sont les bienvenus.

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