Violences conjugales : les médecins autorisés à parler

Une modification du Code pénal autorise désormais les professionnels de santé à signaler des violences conjugales sans pour autant trahir le secret médical. Cette mesure importante doit contribuer à endiguer la hausse constante de ces violences.

Claire Brugier

Le7.info

Téléphone grave danger (TGV), ordonnances de protection, bracelets anti-rapprochement (TAR), les mesures introduites par le Grenelle contre les violences conjugales peinent à juguler l’augmentation importante des cas. Dans la Vienne, leur nombre est en hausse de 21% en zone gendarmerie et de 11% en zone police, entre les premiers trimestres 2020 et 2021. « Des victimes, malgré la gravité des violences qu’elles subissent, ne se décident pas forcément à entrer dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie, ou à écrire au Parquet, souligne le procureur de la République Michel Garrandaux. A contrario, elles se rendent régulièrement chez leur médecin. »  Jusqu’à présent, les professionnels de santé, médecins mais aussi infirmiers, aides-soignants et autres, étaient tenus par le secret médical, sous peine d’une sanction pénale, civile ou disciplinaire. « Désormais, l’article 226-14 du Code pénal prévoit une dérogation, dans des circonstances strictement encadrées, sans l’accord du patient, dès lors qu’il y a un danger immédiat pour la vie de la victime ou que celle-ci, sous emprise, est dans l’impossibilité de se protéger », résume Michel Garrandaux.

Chercher l’accord de la victime

Dans la Vienne, une convention entre le Parquet et l’Ordre des médecins vient d’entériner cette modification législative de taille. Cette dérogation octroyée aux médecins -il en existe déjà une concernant les violences faites aux enfants-, doit permettre de « renforcer encore la protection des victimes » et de faire décroître ce que le procureur désigne comme « le chiffre noir des violences conjugales ». Autrement dit « toutes les affaires qui ne sortent pas » et dont peuvent être pour partie informés les professionnels de santé.

« C’est une évolution très importante, pour les victimes évidemment mais aussi pour la pratique médicale », confirme le Dr Franck Duclos, président de l’Ordre départemental des médecins. Les médecins sont confrontés à des situations dramatiques. Depuis un an, les mesures de confinement exacerbent les tensions au sein des couples. Mais, jusqu’à présent, s’ils présumaient ou constataient des violences, ils étaient contraints par le secret médical, l’un des piliers de la pratique de la médecine. » Désormais, ils devront dans un premier temps « chercher à obtenir l’accord de la victime », mais pourront aussi passer outre « dans des situations particulières encadrées », rappelle le professionnel de santé. « Ils pourront également, au-delà des constations cliniques de violences, retranscrire les propos de la victime pour étayer leur signalement. »

Pour accompagner les professionnels de santé dans cette démarche, qui reste à leur libre appréciation, un guide détaillant la procédure et les contacts du Parquet de Poitiers (mails et numéros de téléphone) va leur être remis.

 

Grenelle contre les violences conjugales : état des lieux

Trois dispositifs judiciaires, cités ci-dessus, ont été mis en place à la suite du Grenelle contre les violences conjugales, avec pour référent local le procureur-adjoint Jean-Dominique Tirippier. Depuis le début de l’année, 11 ordonnances de protection ont été rendues par le Parquet (34 en 2020). « Toute personne qui invoque des faits de violence exercés au sein du couple, si elle apporte des preuves de ces faits et qu’elle établit le danger auquel elle est exposée, peut solliciter auprès du juge civil, le JAF, une ordonnance de protection », rappelle le procureur Michel Garrandaux, convenant que « cette procédure reste mal connue ». Parallèlement, le Parquet dispose de 12 téléphones grave danger (TGV), « dont 11 sont utilisés actuellement », précise Jean-Dominique Trippier. « L’origine du signalement peut émaner de la victime elle-même, de son avocat, d’une association, d’un tiers… » Enfin, sur les trois bracelets anti-rapprochement (BAR) alloués à la juridiction poitevine, un seul a jusqu’à présent été attribué, par un magistrat du siège conformément à la procédure.

 

 

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