Mélody Larcher, plus vivante que jamais

Mélody Larcher. 32 ans. Atteinte d’un cancer incurable depuis sept ans. Toise la maladie. A fondé l’association L’Art rose pour aider les autres. Ses toiles s’arrachent comme des petits pains et sa joie de vivre est contagieuse sur les réseaux sociaux. Tatouée de la tête au pied, Dody regarde devant. Son témoignage sur Brut a dépassé les 3 millions de vues.

Arnault Varanne

Le7.info

Son dernier tatouage sur le poignet gauche représente un... Alien. « Parce que je suis carrément bizarre, je ne dois pas venir de la même planète que tout le monde ! » Ce jour-là, attablée à la terrasse d’un restaurant de Poitiers-Sud, Mélody Larcher arbore une salopette bleue, des Converse rouges et un foulard orange aux motifs beiges. Derrière le look de fashion victime, l’encre coule à flot sur tout son corps. « Je suis tatouée de mon histoire », avance Dody. Sur les phalanges de ses dix doigts, les mots « Fuck » et « Cancer » apparaissent distinctement. On y est.

Depuis sept ans, l’ancienne coiffeuse se bat contre le(s) cancer(s). Des deux seins d’abord, en février 2014, avec sa cohorte d’opérations de reconstruction mammaire (11). Des os du bassin ensuite, en 2016. « Quand c’est arrivé, je me suis dit : « A ton tour ». Ma mère a eu un cancer du sang à 36 ans, mon père en a eu deux, de la glande salivaire et du poumon. Mais ils n’ont pas réussi à décimer la famille ! » Dody se marre alors que le sien de crabe est incurable, qu’elle devra « faire des chimios tous les 21 jours toute [s]a vie ». Elle aurait tant et tant de raisons de se morfondre et de regarder en arrière. « Quand j’étais une fille superficielle avec ses extensions de cheveux ? Non, je ne regrette pas ma maladie ! »

Elle irradie de courage

Partie de chez à elle à 15 ans, la gamine de Champagné-le-Sec, élevée dans un milieu modeste, est en réalité « plus vivante que jamais ». Elle a « compris pourquoi » les obstacles se sont dressés sur sa route. Et pourquoi il fallait aujourd’hui « kiffer ». Sur l’un de ses derniers posts Instagram, voilà ce qu’elle écrit : « En moins d’un an je me suis séparée, dû déménager de ma grande maison pour aller vivre dans un mobil-home tout en étant sous traitement et en essayant de cohabiter avec ma tristesse. Et puis j’ai regardé en arrière, sept ans de combat, de multiples opérations, un corps mutilé (look les photos), toujours plus de chimiothérapies et je me suis dit que j’étais forte et surtout que j’étais « master of my Destiny and captain of my Soul ». » Pas besoin de traduction. Mélody Larcher irradie de courage grâce à son énergie. Une tornade même ! Les personnels du Pôle régional de cancérologie en savent quelque chose, ses followers sur les réseaux sociaux aussi.

Dody se bat pour elle mais aussi et surtout pour les autres. Elle sait trop « la galère » des fins de mois difficiles, le coût exorbitant des perruques et autres extensions de cils, le besoin de continuer aussi à « prendre soin de soi ». « Quand c’est arrivé, je me suis mise dans la merde financièrement, j’ai été obligée de taper un crédit. Sur ma perruque, j’avais 600€ de reste à charge. Je suis allée à la Banque de France de moi-même, j’ai été fichée pendant cinq ans, sans chéquier ni carte bancaire. Maintenant, j’ai ma Gold ! » Elle a aussi « la carte » avec le CHU de Poitiers et la Ligue contre le cancer grâce à son association L’art rose. Même pas un an d’existence et déjà 50 box d’une valeur de 200€ (dames) et 140€ (messieurs) financées. Elle prend en charge pour d’autres malades le coût du tatouage des sourcils et des aréoles, des massages... Comment ? Grâce à la peinture. 

« L’histoire, elle est loin d’être finie »

Avant la rentrée 2019, Dody n’avait jamais tenu un pinceau de sa vie. Et puis elle a « vu un tuto sur Facebook », s’est mise à peindre une toile, deux toiles, trois toiles « encouragée par ma mère ». « En 2020, j’en ai vendu une centaine partout dans le monde ! », savoure-t-elle. L’argent, elle l’a soigneusement conservé pour son association. Et sa notoriété récente la booste. Le média en ligne Brut est venu la filmer dans sa « tiny house » -le mobil-home retapé dans le jardin de ses parents, où elle habite encore-, avec 
3 millions de vues à la clé. 


Mélody inspire, attire, fascine, c’est selon. Avec elle, pas de tabou ni de complainte. « Même s’il m’arrive de dire à ma communauté quand ça ne va pas, de montrer mes cicatrices aussi. » Oui, on peut être en sursis sur cette terre et toiser la mort, « mettre à distance la maladie ». Au mental. La « pin-up assumée » multiplie les shootings, a exposé à Paris, au CHU, crée elle-même les goodies de L’Art rose, se démène pour trouver de nouveaux partenaires... De quoi alimenter ses réseaux sociaux et susciter des envies de livre. « On me l’a proposé mais j’ai refusé. L’histoire, elle est loin d’être finie ! » D’ici la fin de l’année, la « cancéreuse qui fume » comme elle dit ira s’installer en Charente-Maritime où elle a acheté un chalet en bois « pas trop loin de la mer ». Pas trop loin de la famille non plus. Dody se projette dans l’avenir, fourmille de projets. Ça la tient en éveil. Elle est déjà « fière d’elle », de ce qu’elle est devenue. Née sous le signe du cancer, ascendant lionne. 



 Lartrose.fr, Instagram
« la galerie de dody ».

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