Irrigants cherchent consensus

Le tribunal administratif de Poitiers vient d’entériner sept projets de réserves de substitution dans les Deux-Sèvres, ainsi qu’un protocole de concertation particulièrement équilibré qui va servir de modèle dans la Vienne.

Romain Mudrak

Le7.info

22 pages, 89 articles… Le jugement rendu jeudi dernier par le tribunal administratif de Poitiers avait une dimension symbolique à plus d’un titre. Déjà autorisée par les préfectures des Deux-Sèvres et de la Vienne, la construction de sept réserves de substitution destinées à conserver l’été l’eau prélevée l’hiver pour irriguer les champs a été entérinée par la justice. Neuf autres devront encore attendre dix mois, le temps de recalculer les volumes maximum jugés trop élevés (lire sur le7.info). En revanche, l’étude d’impact et l’enquête publique se sont révélées irréprochables. Le président de la Coop de l’eau 79, qui porte les projets, est satisfait : « On doit certes revoir notre copie sur neuf réserves, mais je retiens que sept d’entre elles sont validées, indique Thierry Boudeau. L’annulation de l’arrêté n’a pas été demandée, les griefs des requérants ont été officiellement écartés. C’est donc le principe même de la création de réserves de substitution d’eau qui est acté par la justice. »

Vers l’agroécologie

Au-delà, ce jugement est venu couronner cinq années d’études préalables et une négociation inédite en France par son ampleur, qui ont abouti à un protocole d’accord particulièrement équilibré. Même deux associations de défense de l’environnement ont fini par le signer et se désister des requêtes en justice. La méthode s’est révélée si convaincante qu’elle sert aujourd’hui de base à une démarche similaire lancée dans la Vienne. Ici, cinq coopératives d’agriculteurs réunies au sein de Res’eau Clain portent en vain depuis une dizaine d’années pas moins de 41 projets de réserves de substitution. Bien qu’autorisés par la préfecture, ils ne sont pas financés. Et les montants sont énormes, autour de 70M€. L’Agence de l’eau Loire-Bretagne, principal pourvoyeur de fonds, réclame un consensus. En résumé, en contrepartie de la précieuse ressource, les irrigants vont devoir s’engager dans « l’agroécologie »
 en réduisant les intrants, en diversifiant les variétés d’assolement… De quoi limiter les taux de nitrates et de pesticides qui pèsent sur la qualité de l’eau potable de Grand Poitiers.

Le 11 mai, la préfète de la Vienne a lancé une concertation entre tous les acteurs de la commission locale de l’eau. Nouvelle pratiques, contrôle, volumes nécessaires, gouvernance, emplois et économie des exploitations agroécologiques… Ces questions seront abordées à partir du 9 juin à travers quatre ateliers. Et les délais seront serrés. Le rapport devra être rendu le 15 octobre. « Je précise que le Projet de territoire agricole irrigant (proposé par les défenseurs des réserves sur la base du protocole deux-sévrien, ndlr) n’est qu’un point de départ, en aucun cas l’aboutissement de la concertation, rien n’est écrit », affirme Eric Sigalas, responsable de la direction départementale du territoire, en réponse aux opposants qui pensent que les dés sont pipés. De leur côté, quatre associations(*) ont d’ores et déjà conditionné la construction éventuelle de réserves aux 
« besoins de culture d’intérêt public qui exigeront une irrigation de sécurité bien moins consommatrice que l’actuelle aspersion de rendement sur les grandes cultures ». Autrement dit, le compromis est encore loin.

(*) Confédération paysanne de la Vienne, LPO Poitou-Charentes, UFC-Que Choisir, Vienne nature.


crédit photo : Coop de l'eau 79

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