Dans les coulisses de l’influence

Lou fait des vidéos sur YouTube depuis 2016. Avec un peu plus de 19 000 abonnés sur sa chaîne, elle est ce qu’on appelle une « influenceuse ». Manon Thomas s’est intéressée à son travail et a décidé de l’illustrer dans un livre-photos de 100 pages.

Steve Henot

Le7.info

Tous les mardis, Lou met en ligne une nouvelle vidéo sur sa chaîne YouTube, intitulée « Loupche ». Face caméra, la jeune femme parle de thèmes « lifestyle » qui lui sont chers : du véganisme, de la sexo ou encore du body positive… La Poitevine de 25 ans s’est lancée il y a près de cinq ans, sur les traces des Américaines Helenn Fischer et Kate Flowers, des pionnières de la plateforme. « Je l’ai fait sans aucune prétention, pour donner des conseils, aider les autres, dit l’ex-étudiante à Sciences Po Poitiers. YouTube m’a appris l’importance des témoignages, des récits d’expérience. C’est en regardant des influenceuses que je suis devenue vegan. » 


Sur YouTube, Lou compte aujourd’hui un peu plus de 19 000 abonnés. Un chiffre modeste face aux stars de la plateforme, mais qui suffit à lui prêter une influence. Cette « influence » suscite depuis plusieurs années un intérêt grandissant des marques. Lou fait parfois la promotion de produits (cosmétiques, sextoys, etc.) dans ses vidéos, contre rémunération. « Une nouvelle forme de publicité, j’en accepte les codes. » Depuis janvier, elle se dégage un second salaire de cette activité. Cela fait d’elle une « influenceuse » du Web.


Combattre les préjugés

Fascinée depuis des années par ce « nouveau métier », Manon Thomas a contacté Lou pour lui proposer de collaborer sur un projet de livre-photo d’une centaine de pages illustrant sa pratique. « Il y a beaucoup de préjugés et de mépris sur ce métier d’influenceuse, qui est très genré, lié à l’apparence, observe la diplômée des Beaux-Arts de Poitiers. Mon idée est de montrer au contraire toute la technicité qu’il requiert, cette nouvelle façon de produire, de diffuser et de regarder des images. Il y a une esthétique très marquée, une surenchère du corps et de l’autoportrait. » Depuis ses débuts sur YouTube, Lou a déjà tout entendu sur sa pratique où, inévitablement, elle s’expose. « Superficielle », « narcissique », « c’est comme des vacances »… « Il y a une invisibilisation de tout, alors que je m’occupe seule de ma compta, du montage des vidéos, de la recherche de partenariats… Ce n’est pas un boulot d’idiote, souffle la vidéaste. Je fais de la pédagogie en permanence, mais il y a beaucoup de situations dans lesquelles je ne l’assume pas et c’est dommage. »


Accueillie en résidence à la Villa Bloch à Poitiers, en début d’année, Manon souhaite aussi mettre en avant le « rôle d’éducation » et de « care » (en français « soin de l’autre »)
des influenceuses auprès de leur abonnés. « Lou change leur perception sur les normes de la féminité et l’influence changent la perception des images. Elle lève des tabous sur la sexualité ou le féminisme et l’ampleur de sa communauté fait qu’elle a une place importante dans la société. » Lou en a pris conscience au gré des années, notamment à travers ses interactions -seulement numériques- avec ses abonnées les plus engagées. Son seul mot d’ordre : la transparence. « Je trie mes partenariats sur le volet, avec une éthique rigoureuse. » Et qu’importe comment évolue son audience, elle l’assure : « Je n’ai jamais voulu être une star. »



 

Sortie de résidence/exposition photo extraite du livre-photos à paraître Les influenceuses sont dangereuses, de Manon Thomas, les 26 et 27 juin à la Villa Bloch, à Poitiers, en présence de « Loupche ».

Crédit photo : DR - Les influenceuses sont dangereuses, 2021

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