Léonore Moncond'huy : « La fonction de maire est d’une richesse incroyable »

La gouvernance, les projets, ses ratés, ses ambitions de transformation de la ville... Pendant plus d’une heure, la maire de Poitiers Léonore Moncond’huy s’est confiée à la rédaction du 7, entre parole contrôlée et élans de spontanéité.

Arnault Varanne

Le7.info

Que représente cette première année de mandat, où vous avez beaucoup incarné le collectif ?
« Cet anniversaire rappelle de bons souvenirs. On a l’impression de ne pas avoir touché terre. C’est aussi l’occasion de faire un bilan, que nous sommes en train de produire. On n’a pas encore sorti un énorme bâtiment de terre, mais le changement de culture avance. Un an, c’est aussi le signal que ça passe vite. L’année prochaine, on doit accélérer sur les projets structurants du territoire. L’incarnation ? C’est le rôle que nous avions défini ensemble avec le collectif, que je sois la porte-parole auprès des partenaires, des médias... Il n’y a pas de contradiction à mon sens. »

« A la rentrée, on doit accélérer »

A travers les nombreux sujets qui vous ont été consacrés, avez-vous le sentiment d’avoir fait rayonner Poitiers, au-delà de vous ?
(elle marque un temps) « Oui... Poitiers a quand même envoyé à la France un message de priorité accordée à l’écologie, mais j’ai l’impression que ce qui a été retenu, c’est le message « jeune femme, citoyenne, confiance en la jeunesse ». Cela correspond à notre identité. Je ne me m’y étais pas préparée. Prendre la lumière, ça doit être mérité et j’ai le sentiment que c’est arrivé après un travail collectif dont je suis fière. Tant mieux si cette image a pu faire avancer la question de la place des femmes en politique. Plein de petites filles m’ont dit qu’elles voulaient faire pareil. Je ne m’y attendais pas. »

Un an après, c’est toujours « un truc de ouf », vos premiers mots après qu’Alain Claeys a reconnu sa défaite ?
(rire) « Aujourd’hui, je ne le dirais pas de la même manière ! Mais je reconnais que cette fonction de maire est d’une richesse incroyable. La mairie, c’est l’échelle du quotidien. On s’occupe autant des horaires des écoles que de la manière d’emmener tout le monde vers la transition écologique. J’ai conscience que nous sommes regardés. Le court terme a pris beaucoup de place, avant tout parce qu’il y avait le Covid. Mais il faut avoir à l’esprit que les changements structurants sont sur le long terme. Pour moi-même, cette année fut celle de l’apprentissage de la patience. On a voté des orientations budgétaires très ambitieuses, une programmation pluriannuelle d’investissements sur huit ans. Chaque élu a une feuille de route clair, un contrat de confiance. A la rentrée, on doit accélérer. »

Il y a eu une forme d’indulgence dans les premiers mois. Cet état de grâce semble terminé. Une pression supplémentaire ?
« Effectivement, j’ai senti beaucoup de bienveillance au départ... On a appris, expérimenté, comme sur l’éclairage public en profitant de la mise en place du couvre-feu. Mais on a entendu les critiques. On a fait plus de trois cents porte-à-porte pour recueillir la parole des citoyens. »

Vous comprenez l’émotion des associations, des maisons de quartiers qui ont appris la mesure dans la presse, alors que vous avez fait de la concertation un mantra ?
« La participation, c’est bien qu’elle ait lieu, pas forcément avant les projets. Là, le couvre-feu était une mesure exceptionnelle, une opportunité en termes d’économies d’énergie, financières. On a été surpris de l’ampleur des réactions que la mesure a générées. A refaire, je prendrais plus de temps entre l’information des acteurs et la mise en œuvre. »

« Consultation ne veut pas dire référendum »

Sur l’aménagement cyclable de la voie Malraux, vous avez lancé une consultation dont les résultats ont été très mitigés. Et pourtant, vous avez choisi de pérenniser l’expérimentation, en dépit des critiques... « Consultation ne veut pas dire référendum. On a peut-être mal expliqué les choses. Sur la voie Malraux, on a entendu les critiques, mais on a considéré qu’il fallait maintenir le principe d’une piste en l’améliorant. Il y a à la fois une part de consultation réellement écoutée et une part de décision politique. Cet épisode nous a montré combien la clarté du message était importante. C’est une priorité pour moi. Il ne faut pas que les citoyens aient le sentiment d’être pris en défaut. »

Sur la Convention citoyenne numérique, comment ne pas décevoir les citoyens, sachant qu’une mairie n’a pas tous les leviers, notamment pour interdire la 5G sur son territoire ?
« On ne prétend pas être les seuls à pouvoir les mettre en œuvre. Ce qu’on a dit aux citoyens, c’est « faites-nous des propositions, on les soumettra au Conseil municipal, sans autre filtre que ceux de la faisabilité technique et financière, et des compétences ». Cela me paraît clair. Les citoyens ont été ravis de travailler sur ces sujets. C’est une façon de leur redonner confiance, en ayant une parole politique fiable. C’est ce que je reproche à Emmanuel Macron sur la Convention citoyenne sur le climat... »


Pourquoi ce mini-remaniement dans les portefeuilles des élus, un an seulement après l’accession aux responsabilités ?
« Je ne le vois pas comme un signe de fragilité de l’équipe, bien au contraire. C’est une preuve de maturité, de solidité et d’écoute. Nous avons pris en compte les préoccupations de nos concitoyens sur la question de la sécurité et de la santé (désormais délégations d’adjoints, ndlr). Après, on l’assume aussi, certains changements sont liés à la nécessité d’une meilleure adéquation entre les vies personnelle et politique. Il n’y a pas de honte à cela. Les 38 élus de l’exécutif sont investis à 300%. »

Après l’épisode de la petite phrase sur « l’aviation et les rêves d’enfants », et du gros buzz qui a suivi, êtes-vous encore plus dans le contrôle de votre parole ? Et un usage différent des réseaux sociaux ? 
« C’est une bulle qui a clairement été orchestrée par des lobbies. Je note le décalage entre l’excès à l’échelle nationale et le peu de retentissement à l’échelle locale sur l’instant (les propos prononcés le lundi soir, la polémique a pris corps le vendredi, ndlr). Très peu de médias ont pris la peine de contextualiser mes propos, certes maladroits. Cela incite à la prudence dans les paroles qu’on peut porter. Mais il faut aussi dénoncer cette manipulation de l’opinion publique. La politique, ça ne doit pas être ça, recevoir des milliers de messages insultants. Après, des citoyens, y compris parmi mes proches, ont été sincèrement interpellés. C’est ce qui m’a convaincue de reprendre la parole pour mettre de la nuance. »


« C'est compliqué d'avoir un débat un peu nuancé sur cette question de l'aérien »

Il y a trois semaines, les avions de la Patrouille de France se sont posés sur le tarmac de l’aéroport de Poitiers-Biard...
« Et je n’ai pas réagi ! Ce qui me semble compliqué, c’est d’avoir un débat un peu nuancé sur cette question. Je n’ai jamais dit qu’il fallait arrêter les avions. Ce sont des intentions qu’on me prête. Je demande juste à questionner l’impact de l’aérien sur les enjeux climatiques. J’essaie de faire en sorte que cette affaire rebondisse de manière positive puisque nous accueillons une démonstration d’avions électriques le 7 juillet, qu’un débat sera organisé avec les étudiants de l’Ensma à la rentrée... Un colloque sur l’avion de demain se déroulera aussi avec Pprime. Je souhaite travailler avec tous ceux qui sont constructifs. »

A défaut de rêver d’avion, vous avez indiqué rêver d’acheter une colonie de vacances au bord de la mer pour les enfants de la ville. Où en est le projet ?
« Nous avons initié l’an dernier le dispositif Vacances pour tous, en revendiquant le droit à l’évasion. La mesure a beaucoup de vertus, notamment en termes de mixité. Nous avons doublé le budget cette année (400 000€). Les séjours sont presque pleins, ça me ravit. L’investissement (dans une colonie) viendra plus tard. On sait très bien que si de nombreuses collectivités se séparent de leur colonie, c’est que le modèle économique en régie pure ne fonctionne pas. On souhaite prendre le temps de trouver des partenaires. »

DR Steve Henot

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