Mathieu Lipsteinas, photo sensible

Mathieu Lipsteinas. 42 ans. Entraîneur de handball pendant seize ans. Reconverti depuis peu dans la photo. Installé à Thuré. Père de quatre enfants et adepte des treks dans les grands espaces. « Hyper-heureux » d’entreprendre.

Arnault Varanne

Le7.info

C’est dingue ce que le confinement du printemps 2020 a bouleversé de certitudes. De celles qui sont solidement ancrées au fond de nous. Changer de boulot, déménager ? Et pourquoi pas finalement ! Pris par le vertige de la quarantaine, Mathieu Lipsteinas a cédé à la tentation de la reconversion. Entre 2004 et 2020, l’enfant de Créteil, biberonné aux exploits du club cristollien -champion d’Europe en 1989-, a beaucoup donné au handball, qui lui a bien rendu. « Clairement, ce sport a été ma famille. Lorsque je suis arrivé dans la Vienne, où ma mère avait été mutée, le hand m’a permis de rencontrer du monde, de nouer des liens... » A Châtellerault, où le pivot a exercé ses talents sur le terrain. Dans la Vienne, ensuite, comme entraîneur.

Mue professionnelle

« La plus grosse frustration d’un entraîneur, c’est de savoir ce qu’il y a à faire mais de ne pas être en capacité de le faire. Au bout d’un moment, il faut le faire faire ! », plaisante-t-il. Mathieu Lipsteinas a toujours accolé les termes « exigence et bonne ambiance ». Compétiteur dans l’âme, il est donc allé jusqu’au bout de ses idées, en club comme au pôle espoirs, où il fut d’abord l’adjoint d’Erick Mathé (entraîneur-adjoint des Bleus champions olympiques), puis le responsable de la structure. « Dans ma carrière, j’ai touché à tous les publics et c’est une vraie chance... » Jusqu’à ce fameux black-out de 2020, synonyme de mue professionnelle.

Il aurait pu céder aux sirènes du Chambray Touraine handball. Une place de numéro 2 l’attendait là-bas. « Mais c’étaient encore des sacrifices sur le plan familial, une vie personnelle entre parenthèses. » Alors le père de quatre enfants (16, 14, 11 et 2 ans) a fait le grand saut, direction une nouvelle carrière de photographe. « Ma deuxième passion depuis tout petit », plaide-t-il. Pour sûr, il préfère être « derrière l’objectif que devant ». Question de personnalité. Le gérant de Lips Photographie espère apporter sa touche personnelle dans un univers très concurrentiel. Le parallèle avec le hand n’est jamais loin. L’ex-éducateur estime qu’au-delà d’individualités talentueuses, « une équipe doit avoir une âme », éprouver « du plaisir ». Comprenez qu’il se méfie des clichés trop parfaits, lisses ou bourrés de filtres. « Une photo doit dégager quelque chose, une émotion, une impression. Je passe peu de temps avec mes clients, mais ce qui en ressort est profond. Dans le cas contraire... »

Le fils de psychomotricienne et d’ingénieur dans le bâtiment a longtemps admiré les photos dans les cabinets de médecin -« vous savez, ils ont pas mal de magazines Géo ! »- avant d’aiguiser son œil dans les grands espaces. Trekkeur averti, le Thuréen adore « être dans l’immensité ». De la Norvège au Monténégro, en passant par l’Islande, la Corse ou les Pyrénées (cet été), il en revient « transformé. A chaque fois, cela permet un retour sur soi-même. C’est tellement beau, tellement grand, tellement dur ». A défaut de ramener l’immensité dans son boîtier, Mathieu Lipsteinas s’efforce d’apprendre de lui, de ses erreurs aussi, pour mieux transmettre des valeurs essentielles à sa tribu.

« Ne jamais rien faire à moins de 100% »

Il cherche à donner à ses enfants « les clés de la liberté », l’autonomie nécessaire à leur future vie d’adulte. « Les connecter à la vie réelle, au-delà des écrans. » Parce qu’on n’est jamais que le produit de son éducation, le quadra s’inspire aussi de ce qu’il a reçu en héritage. A son père, tête pensante de bâtiments tels que la Bibliothèque nationale de France, il doit son goût pour l’image. A sa mère, il doit sa capacité d’introspection. Rétrospectivement, le fiston les remercie, lui qui revendique le « droit » à « ne jamais rien faire à moins de 100% ». La fameuse exigence de l’entraîneur, couplée à un sens aisé du contact. « On me trouve sympa », s’esclaffe-t-il, presque étonné de voir son carnet de commandes se remplir jusqu’en 2023. Le hasard faisant bien les choses, le patron de Lips Photographie a même mis à profit sa licence d’informatique, à l’heure de construire son propre site Web. « Hyper-heureux d’entreprendre », il sait que son chemin ne sera pas linéaire mais il se sent suffisamment armé pour surmonter les obstacles. C’est dingue ce que le confinement du printemps 2020 a bouleversé de certitudes.

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