P'tit Fauve, le dessin dans la peau

Laura Andrault, alias P’tit Fauve. 30 ans. Poitevine. Passionnée de culture pop. Tatoueuse depuis cinq ans. A fait de son shop privé un lieu d’acceptation de soi et des autres.

Claire Brugier

Le7.info

« Je me doutais bien que je devrais essayer d’abord sur un support alternatif mais… » Mais sur de la peau de cochon ? Laura Andrault n’est pas près d’oublier. « Ça a été ma première désillusion. Je me suis demandé si j’y arriverais. » La tatoueuse poitevine de 30 ans, plus connue sous le pseudonyme de P’tit Fauve -un surnom hérité du collège-, a ainsi fait ses premières gammes sur de la peau porcine. « Elle était souvent congelée ou conservée au frais, et surtout elle était morte ! Quand je rentrais chez moi le soir, je puais le cochon ! Mais de toute façon la peau synthétique n’est pas idéale non plus... » Et puis, un jour, la jeune femme a enfin tatoué une peau humaine. « Mon fiancé a été mon premier cobaye. Je lui ai dessiné une souris qui tient une éprouvette, raconte-t-elle avec malice. Au fil du temps, la souris a évolué, elle a pris des couleurs. » Comme la plupart des dessins indélébiles que la jeune femme a gravés depuis sur l’épiderme de proches -sa sœur régulièrement-, d’amis ou d’inconnus. « Mon premier tatouage sur un client, c’était une phrase en allemand à l’envers, j’étais angoissée. En tatouage, l’erreur n’est pas permise, il faut toujours être « focus ». »


« Quelque chose de très organique »

« A l’origine, je voulais être architecte d’intérieur. » Laura a suivi le cursus à l’Ecole d’arts appliqués de Poitiers, devenue depuis Ecole de design de Nouvelle-Aquitaine. Mais à l’aube de la vie active, elle a préféré se présenter chez un tatoueur, un book de ses dessins à la main. « Etudiante, pour arrondir mes fins de mois, je vendais des dessins. J’ai toujours dessiné, des animaux beaucoup, d’autant que dans les années 90 il y a eu la folie des Pokémon. » Depuis cette époque la culture pop ne l’a plus jamais quittée. Son shop, niché dans un appartement du boulevard Jeanne-d’Arc, regorge de figurines, de fleurs en Lego, de licornes lumineuses, de dessins encadrés, de coussins et peluches aux couleurs acidulées, sans oublier une console de jeux et « des bouquins… sur le tatouage bien sûr ! ». Laura a volontairement créé un monde parallèle, qu’elle prolonge jusque dans ses mails, pour que ses clients se sentent bien, loin de l’ambiance parfois excessivement chargée en testostérone de certains shops. « Aujourd’hui, beaucoup d’artistes accomplis deviennent tatoueurs. Des femmes, des LGBT… Le monde du tatouage est plus ouvert. L’offre se diversifie. »

La spécialité de P’tit Fauve : le geek tattoo. Chacun de ses tatouages compte une vingtaine de couleurs différentes. « J’aime faire de la couleur, la voir apparaître au fur et à mesure. Il y a quelque chose de très organique. Dans un tatouage, j’aime le côté dynamique, les belles lignes mais pas forcément fines, qu’il y ait un jeu entre le premier et le second plan… Bref que cela raconte quelque chose ! »

"Un cadeau que l'on se fait à soi-même"

Une séance par jour, Laura n’en souhaite pas davantage. « Un tatouage, c’est un cadeau que l’on se fait à soi-même. Ce sont quatre-cinq heures pour un dessin qui restera toute leur vie. Alors je veux proposer à mes clients un moment de qualité, une petite parenthèse loin de la pression sociale. Que personne ne se sente mis de côté. » La jeune femme a depuis longtemps pris conscience de ces codes qui emprisonnent. « Petite, on ne peut pas dire que j’étais une fille, les poupées ce n’était pas mon truc, j’étais plus jeux vidéo, lesquels à l’époque étaient plus pour les garçons. J’adorais les mécanos, les Lego, construire des trucs, ce qui ne m’empêchait pas d’aimer le rose et les chevaux avec des ailes. Au collège, je portais des jeans et des pulls, pas de jupes, je n’en avais pas besoin pour afficher mon genre. » Ses goûts éclectiques et affirmés lui ont valu d’être considérée comme « l’artiste de la famille », dit-elle en mimant les guillemets. Avantage : d’une artiste on accepte toutes les lubies. « Au début ma mère n’avait pas une bonne image du tatouage, elle disait que c’était un truc de junkie. Aujourd’hui, elle se demande où elle pourrait s’en faire un… » Quant à sa fille de 9 ans, « pour l’instant, elle ne trouve pas ça très beau mais elle est très Pokémon et elle adore dessiner. » 


Laura, elle, en vraie passionnée, aussi gourmande de dessins que de cuisine, couvre progressivement son corps de tatouages. Et quand elle ne fait pas « des trucs de mamie, du canevas, lire des livres, [son] potager » ou quand elle ne « chille » pas, elle voyage. 


Tatouages et voyages

« Quand je vais me faire tatouer, j’y vais pour un artiste. Je suis une collectionneuse, je suis la femme de plein de tatoueurs, plaisante-t-elle. Quand un tatoueur m’a tapé dans l’œil, cela me sert d’excuse pour voyager. » Le dragon bleu, sur sa cuisse droite, « [son] préféré », a été réalisé à Liverpool par Simon, un maître ès tatouages. Elle l’a repéré sur Instagram, où la communauté est internationale. P’tit Fauve en suit, d’autres la suivent. Ceux-là sont plus de 16 000 tout de même mais, analyse la jeune femme avec prudence, « les followers ne sont pas vraiment tangibles. Quelqu’un qui vient dans mon salon, c’est plus concret. Alors évidemment je n‘ai pas une « origin story » d’Avenger, sourit-elle, mais aujourd’hui le tatouage me permet de vivre d’un métier artistique. »

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