Les « cold cases » sortent du frigo

Dans la Vienne, plusieurs affaires criminelles non élucidées ont marqué la mémoire collective. La création d’un pôle judiciaire national dédié offre une perspective de relecture à des dossiers ouverts depuis trop longtemps.

Claire Brugier

Le7.info

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a annoncé la création, à partir du 1er mars, à Nanterre, d’un pôle judiciaire dédié aux « cold cases », ces crimes non élucidés -et pas nécessairement classés- qui hantent les services de police et de gendarmerie. Dans la série américaine du même nom, pas une affaire ne résistait à la pugnacité de l’inspectrice Lilly Rush. Dans la vraie vie, des dossiers au long cours défient la persévérance des enquêteurs. La médiatique « affaire du petit Grégory » (Vosges, 1984) est de celles-là, jamais résolue.

La Vienne aussi a malheureusement ses « cold cases ». La mémoire collective a retenu la disparition de Karine Bonnet, une adolescente de 14 ans poignardée en 1988 à Poitiers, ou, en 2002, la découverte du corps d’André Gomit, dans le coffre de sa voiture, en forêt de Scévolles. En 2004, Olivier Fargues, un étudiant de l’Ensma, est retrouvé emballé dans des sacs-poubelle devant l’IME de Mignaloux-Beauvoir. En 2010, Yves-Laurent Grimault est tué à l’arme blanche devant chez lui, à Buxerolles. En 2015, une femme est victime d’un viol et d’une tentative de meurtre alors qu’elle court au bord du Clain, à Poitiers. « Tous les enquêteurs ont dans la tête une affaire non résolue pour laquelle ils gardent espoir », confie le capitaine Michel Picard, commandant en second de la compagnie de gendarmerie de Poitiers. Parfois, l’espoir se solde par une réponse. Ainsi, en octobre 2019, l’ADN retrouvé sur un papier de bonbon -analysé à la suite du cambriolage d’une menuiserie de Dissay- a permis d’identifier l’auteur d’un viol perpétré… vingt-et-un ans plus tôt !

241 affaires non élucidées

Au printemps dernier, les services d’enquête et tribunaux ont été invités à recenser les affaires non élucidées -après un minimum de dix-huit mois d’investigations- susceptibles d’être soumises aux trois juges d’instruction du futur pôle spécialisé. Dans la Vienne, les services de police (la gendarmerie et le parquet général restent muets sur les chiffres) ont transmis quatre dossiers, trois homicides et un viol suivi d’une tentative d’homicide, commis entre 1988 et 2015. 
« On dénombre aujourd’hui en France 173 crimes non élucidés pour lesquels la justice est saisie et 68 procédures de crimes sériels », confiait le Garde des Sceaux dans un entretien accordé le 12 janvier à 20 Minutes.

« Généralement, plus on s’éloigne de la commission des faits, moins l’enquête est active », rappelle le commissaire divisionnaire Anthony De Freitas Meira, directeur territorial de la Police judiciaire de Limoges. Ici comme dans la gendarmerie, les dossiers récents recouvrent les plus anciens, souvent réexaminés à la faveur de l’arrivée d’un nouveau chef. Mais des structures existent déjà, au sein de la police l’Office central pour la répression des violences aux personnes, au sein de la gendarmerie la Diane (Division des affaires non élucidées). Des outils aussi, comme le Salvac, une base de données qui regroupe toutes les informations relatives aux crimes, disparitions inquiétantes et découvertes de cadavres non identifiés. « En vingt ans, elle a permis d’établir une cinquantaine de rapprochements », note Anthony De Freitas Meira pour qui « il y a un véritable intérêt à proposer une relecture des vieux dossiers. Beaucoup de rapprochements sont effectués à partir de modes opératoires, d’empreintes ADN et digitales. Les progrès techniques permettent aussi une autre lecture ».

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