Les femmes au ban de l’université

Dans le cadre de sa résidence d’artiste à la Maison des étudiants, Clara Chotil a créé une BD autour de l’histoire de l’université de Poitiers, ou plutôt de celle de ses grandes absentes, les femmes. A découvrir en avril.

Claire Brugier

Le7.info

Quatre mois et demi, il n’en fallait pas moins pour croquer l’histoire de l’université de Poitiers. Saisie de cette mission dans le cadre de la résidence d’artiste mise en place depuis 2017 par la Maison des étudiants, Clara Chotil a épluché les livres d’histoire, interrogé des spécialistes et imaginé un scénario qui révélerait un visage moins connu de la vénérable institution, « fondée en 1431 ou 1432, selon les sources ».

Jusqu’à présent, l’auteure plasticienne, architecte de formation, n’avait approché l’université de Poitiers qu’à travers l’Ecole européenne supérieure de l’image (EESI), à Angoulême. « Durant le premier mois de résidence, j’ai beaucoup lu et fait des rencontres, notamment avec Fabrice Ligier et Nicole Pellegrin. » D’ailleurs, le maître de conférences en histoire moderne -également vice-président de l’Université- et l’historienne 
« s’incarnent plus ou moins dans la BD », confie Clara. L’ouvrage est intitulé Ballade des dames du temps jadis, comme un drôle de clin d’œil à l’histoire de l’université. « La BD pose la question de la présence des femmes… Et donc en fait celle de leur absence à l’université, note l’artiste de 29 ans. Les premières y ont été admises en 1910. L’université, ce sont cinq siècles d’histoire masculine. Les femmes ne sont pas là, certes, mais la question est de savoir où elles sont. De plus, l’histoire de l’université de Poitiers est essentiellement celle de la fac de droit où la question du droit des femmes… » La thématique s’est donc imposée d’elle-même, sans préméditation féministe aucune.


Récit et contre-récit

Comment raconter cette absence flagrante ? « Il y avait un vrai enjeu de création artistique. J’ai voulu créer un récit à deux voix qui parlent en même temps et il me fallait rendre intelligible cette cacophonie. Le graphisme me permet de rendre visible qui prend la parole. » L’auteure plasticienne, dont la résidence prend fin ce mois-ci, a d’abord dessiné « à la mine de plomb » avec d’apposer sur ses planches « des couleurs pastel ». Sur chaque page, une cinquantaine au total, apparaîtra en frise une portée de la partition de la Ballade des dames du temps jadis de Georges Brassens.

« La BD est à la fois une balade (ndlr, avec un seul l celle-ci) dans la chanson, dans l’histoire et dans la ville », précise Lionel Poutaraud, chargé de projets culturels à la Maison des étudiants. Soutenue par la Région, la Drac et l’université, l’ouvrage devrait paraître le 5 avril, à l’occasion des Journées Arts & Culture dans l’enseignement supérieur. En attendant en mai la publication du premier roman graphique de Clara Chotil, Opera Negra, chez Actes Sud. Ou l’histoire de Maria d’Apparecida, une cantatrice brésilienne disparue en 2017.

Crédit : Université de Poitiers.

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