« Personne ne veut quitter l’Ukraine »

De Kiev ou de Lviv, les nouvelles qui parviennent à Yevheniya ne laissent de l’inquiéter. Poitevine d’adoption, la jeune Ukrainienne souhaite relayer l’appel au secours de ses compatriotes, plongés dans une guerre aussi soudaine que violente.

Claire Brugier

Le7.info

Par téléphone, via WhatsApp… Depuis le début des bombardements russes en Ukraine, 
Yevheniya n’a de cesse de prendre des nouvelles de sa famille et de ses amis disséminés entre Kiev et Lviv, sa ville d’origine située à l’ouest du pays. 
« Tout le monde est sous le choc », confie la néo-Poitevine. Certes, « depuis deux semaines, une dizaine d’ambassades avaient déménagé de Kiev vers Lviv. Mais jusqu’aux attaques déclarées, personne n’y croyait ! 
Et surtout personne ne pensait que cela prendrait une telle ampleur… Depuis 2014(*), les Ukrainiens vivaient avec la peur, les tensions avec la Russie étaient toujours là mais c’était une guerre trouillarde, qui n’était pas ouverte. Les gens s’étaient habitués à vivre avec. » 
Aujourd’hui, tout a basculé. 
« A Lviv, c’est un peu plus calme, même s’il y a les sirènes. Mais à Kiev, mes amis se réfugient dans le métro ou dans des parkings souterrains pour se protéger physiquement. » Aucun, pour autant, n’a accepté l’invitation de Yevheniya à les accueillir à Poitiers.

« Qu’on prenne de vraies sanctions »

« Ma famille, mes amis, personne ne veut quitter l’Ukraine pour le moment. Seule une amie d’université, qui a trois enfants de 1, 4 et 6 ans, s’est décidée à quitter Kiev. Elle m’a appelée de la frontière polonaise, elle se demandait si elle faisait bien ou pas. » Les frontières étant fermées pour les hommes entre 18 et 60 ans, l’exode signifie la séparation brutale des familles. « J’ai joint mes oncles, qui ont plus de 60 ans. Ils m’ont dit : on ne va pas partir, on va faire ce qu’on peut pour se battre. »

« Mon grand-père a passé dix ans dans des camps en Sibérie, poursuit Yevheniya. Mais dans notre famille, nous n’avons jamais détesté les Russes. J’ai des amis russes, je parle russe. On est juste vigilant. Toute notre histoire a montré que la Russie n’est pas notre amie. Et là encore... »

Dans le pays, la désorganisation est à son comble. « Mais je ne sais pas ce qui est pire : la guerre ou que tout le monde regarde sans rien faire », déplore Yevheniya, soucieuse de relayer l’appel à l’aide de ses compatriotes. « Je comprends qu’on ait peur d’une troisième guerre mondiale, mais qu’au moins on prenne de vraies sanctions à l’encontre de la Russie, réclame la jeune maman. Qu’est-ce que je vais dire à mon fils ? Que mon pays a été détruit et que j’ai regardé ça ? »

(*)2014, invasion de la Crimée par la Russie à laquelle elle a finalement été rattachée.

« En Russie, les gens sont effrayés »

Installée à Poitiers depuis plusieurs années, Anna (*) a une grande partie de sa famille en Russie et en Ukraine. « Je ressens une grande honte pour la Russie, exprime la Poitevine. « La population russe est très désinformée, manipulée. » L’autre mal qui ronge la population est la peur. « Les gens qui manifestent leur désaccord sont arrêtés. Les gens sont effrayés. Toute l’histoire de la Russie les encourage à avoir peur, d’autant que ces dernières années, tout a été fait pour étouffer les pensées qui différaient du discours officiel. Chez certains Russes, plutôt âgés, il peut y avoir une nostalgie d’une autre époque, mais pas chez les jeunes qui ne vont pas avoir d’autre choix que d’aller au front, car personne ne veut aller en prison. » Par ailleurs, « je suis inquiète du durcissement du régime ». 

(*) Le prénom a été modifié.

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