« Où est ma place de victime ? »

Les violences conjugales ont fortement augmenté entre 2019 et 2021 dans la Vienne. Harcelée par son ex-compagnon, Juliette demande à ce que justice soit faite, alors que son bourreau a écopé de huit mois de prison dont quatre ferme en première instance... il y a un an et demi.

Arnault Varanne

Le7.info

L’année dernière, dans la Vienne, plus d’un millier de faits de violences conjugales ont été signalés à la police ou à la gendarmerie, soit une hausse de 29,8%, et même un doublement depuis 2018. Juliette fait partie de ces victimes « anonymes », noyées sous le flot des chiffres distillés par la police et le parquet. Son histoire est hélas celle de beaucoup d’autres femmes. La jeune femme s’est séparée de son compagnon fin 2019, après une relation complexe sur fond de jalousie maladive. « S’en sont suivis dix mois de violences, de harcèlement et de vandalisme sur ma voiture », raconte-t-elle. La mère de famille a déposé plainte à dix reprises, appelé la police « très souvent », chuchoté parfois pour que son « ex » derrière la porte n’entende pas ses appels au secours... 


A la rentrée 2020, la justice est passée, condamnant le prévenu à huit mois de prison, dont quatre ferme, à l’issue d’une audience en comparution immédiate. Il avait été jusqu’à placer un traceur dans la voiture de sa compagne pour la suivre, a menacé ses amis par Messenger, l’a violentée et insultée « devant [notre] fils ». L’intéressé a fait appel de la sanction prononcée en première instance puis s’est désisté à quelques minutes de l’audience, le 12 janvier dernier. « Il est resté cinq minutes, puis est reparti. J’étais très en colère. Il n’a pas été incarcéré. Je voulais l’entendre. Où est ma place de victime là-dedans ? » Le compagnon violent sera convoqué dans quelques mois par le juge d’application des peines, mais Juliette craint déjà qu’il s’en sorte « avec un bracelet électronique ». 

« Les agresseurs 
sont autocentrés »

Sa colère est d’autant plus prégnante que la mère de famille a « toujours peur », même si le père de son fils a interdiction d’entrer en contact avec elle. Tout sauf simple avec un enfant « au milieu ». L’enseignante dort avec une lumière allumée et laisse le volet de son salon ouvert 
« au cas où ». Elle évite aussi de fréquenter certains magasins. 
« Mon état dépressif a augmenté depuis janvier. J’aimerais qu’on me dise un jour Madame, c’est fini. Je n’ose même pas imaginer ce qui se serait passé le 1er janvier 2020, si j’étais rentrée... » Son avocate, Me Hélène Mérade, témoigne d’une recrudescence de la gravité des faits. « On assiste à une explosion des violences, qui ne correspond pas forcément à la libération de la parole. Les agresseurs sont autocentrés, ils ont toujours de bonnes excuses pour harceler leurs ex, avec une forme de déni des dégâts psychologiques engendrés. »

Face à la multiplication des cas, vingt-deux téléphones grave danger, cinq bracelets anti-rapprochement et vingt ordonnances de protection ont été délivrés l’année dernière en zone police. « Ce sont des dispositifs efficaces pour une délinquance extrêmement complexe », estime le procureur de la République, Cyril Lacombe. Efficaces mais insuffisants. Une semaine après la Journée internationale des droits des femmes, la situation semble préoccupante.

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