Dans la Vienne, les nouveaux visages de l’agriculture

Ils n’ont jamais travaillé dans le monde agricole, mais aspirent à devenir maraîcher, fleuriste ou encore éleveuse. Et sont de plus en plus nombreux à être attirés par ces métiers ruraux. Rencontre avec la nouvelle génération d’agriculteurs.

Steve Henot

Le7.info

A l’approche de la quarantaine, Emmanuel Jamet a ressenti le besoin « d’être [son] propre patron et de travailler au grand air ». Il avait d’abord imaginé une reconversion dans la boulangerie, ce sera finalement dans la surgélation de légumes bio et l’arboriculture (petits fruits). Ses quinze ans d’expérience dans la grande distribution l’ont motivé à embrasser cette voie. « Je sais comment ça marche, assure l’Oléronais d’origine. Le but est de proposer un légume du coin toute l’année et, à terme, de faire une sorte d’anti-gaspi en surgelant les légumes qui ne sont pas acceptés dans les biocoops. Il y a des choses à faire, des offres à donner. » 


Comme Emmanuel, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les métiers de la campagne. « Trois porteurs de projet sur cinq ne sont pas issus du monde agricole, précise Agathe Touzineau, conseillère installation et transmission à la Chambre d’agriculture de la Vienne. Pour la plupart, des gens qui veulent donner un peu de sens à leur activité, qui ont réfléchi à ce qu’ils voulaient faire pendant la pandémie. » En 2021, l’organisme consulaire a examiné une cinquantaine de projets de plus qu’en 2020.


« Sortir de l’image romantique »

« Dans ma formation, on est quasiment tous en reconversion », 
dit Charline Gourdin-Servenière. Depuis octobre, la jeune trentenaire se forme à l’élevage caprin au lycée de Melle, dans les Deux-Sèvres. Au sortir du premier confinement, la Poitevine a choisi d’exaucer un vieux rêve. 
« Au début de ma vie d’adulte, je parlais déjà d’élever des chèvres en montagne et de faire mon propre fromage quand j’aurais 45-50 ans, confie l’ex-chargée de facturation pour un fournisseur d’énergies. J’étais arrivée à un moment où je ne me sentais plus à ma place. Je me suis dit que je n’étais pas utile à la société, mais à une société. Après un burn out, c’était le moment ou jamais de me lancer. » Michelle O’Doherty souhaitait, elle, s’éloigner de « la pression » de son métier d’urbaniste. La Canadienne de 56 ans a acheté un petit corps de ferme dans le Sud-Vienne, où elle fait pousser des fleurs avec « des graines bio et de l’eau de pluie, sans produits chimiques ». 
« J’ai toujours été passionnée par les fleurs. C’est le projet que je n’avais pas fait vingt ans en arrière. »


Reste que ce parcours est jalonné d’incertitudes. Tout d’abord économiques. « Il ne faut pas s’attendre à avoir de salaire avant les cinq premières années, observe Emmanuel. Je risque de devoir faire la saison estivale avant de reprendre mon activité en octobre. » Sans compter l’actuelle frilosité des banques pour l’aider à financer un lieu de stockage et un labo, malgré la Dotation jeunes agriculteurs (DJA). Charline, elle, a retenu la leçon après avoir rencontré une éleveuse « qui en bave ». « Je cherche un associé car il est important de ne pas s’isoler. C’est peut-être ce qui a manqué à la génération d’avant, pour ne pas en arriver à commettre l’irréparable. » Michelle abonde : « En formation, on nous explique qu’il faut avoir beaucoup d’envie, sortir de l’image romantique du monde agricole. » C’est pourquoi les projets de reconversion sont d’envergure modeste, dans une logique de circuits courts. « Les projets de grosse culture ou de bovins viande concernent plutôt des profils issus du milieu agricole », conclut Agathe Touzineau.


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