Coraline Bergeron, la vie devant elle

Coraline Bergeron. 25 ans. A subi une amputation fémorale de la jambe droite à 20 ans, à la suite d’une agression. A tiré de cette tragique épreuve une force insoupçonnée. La championne de France de parabadminton vise une médaille aux jeux Olympiques 2024 à Paris.

Claire Brugier

Le7.info

Le haut niveau international, elle n’y avait jamais pensé, avant. Avant, elle faisait déjà du badminton en compétition mais elle se satisfaisait de ses résultats départementaux. Avant elle était valide mais elle était juste sportive. Aujourd’hui Coraline Bergeron vise Paris 2024. « Des jeux Olympiques à domicile, ce n’est pas tous les jours ! » lâche la championne de France 2019, 2020 et 2021 de parabadminton (*), médaille d’argent en double mixte aux derniers championnats de France, fin mars à Nueil-les Aubiers. La jeune athlète de 25 ans veut tout simplement « ramener la médaille à la maison », quitte à mettre entre parenthèses ses études jusqu’à l’échéance olympique. En septembre, elle intégrera donc le Pôle espoirs du Creps de Bordeaux, à Talence.

Dire que tout a commencé dans le jardin de ses parents, à Saintes (Charente-Maritime). « Au début, je jouais au badminton avec ma voisine, sourit Coraline. A partir de la 6e j’en ai fait dans le cadre de l’UNSS, puis à partir de la 4e en club. Je faisais quelques compétitions par-ci par-là mais je voulais avant tout me concentrer sur mes études. » Un bac économique et social suivi d’un BTS responsable développement commercial l’a mène en Sup de Co, à La Rochelle. « Petite, je voulais être trader mais on m’a dit qu’il fallait être bilingue, alors je m’étais mis dans la tête de devenir banquière. » Coraline ne sait plus vraiment pourquoi. De toute façon, cette vocation qui n’en était pas une appartient au passé, comme désormais l’agression qui lui a coûté sa jambe droite.

Frôler la mort

Depuis quelques mois, le dossier judiciaire est refermé. Enfin ! Son ex-compagnon a été reconnu coupable de « violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente ». Le 20 juin 2017, sur le parking du gymnase du Grand Coudret, à Saintes, il a volontairement foncé sur elle en voiture. « J’aurais pu mourir là car j’avais perdu beaucoup de sang. J’ai été directement héliportée vers le CHU de Poitiers. Puis j’aurais encore pu mourir au bloc car j’ai continué à perdre du sang. Je suis restée dix jours en réa, dont huit en coma artificiel avec pronostic vital engagé. Au final, je me suis réveillée ! »  Pour apprendre qu’il allait falloir vivre sans jambe droite, à cause d’une gangrène. « Soit on amputait, soit j’allais mourir. Encore une fois. » Sourire entendu. S’ensuivent un mois et demi à l’hôpital, le double au centre de rééducation et de réadaptation de Grand Feu, à Niort. Coraline raconte son histoire avec un remarquable détachement. « Cela n’a pas été facile tous les jours, d’autant que je voulais brûler les étapes. Il fallait y aller step by step. » A sa sortie, elle prend « un temps nécessaire » chez ses parents, mais « je ne voulais pas tomber en dépression, me renfermer sur moi-même, ne plus sortir de chez moi ». Coraline a donc tourné la page, choisi de vivre.

Ce jour-là, devant le gymnase Amélie Le Fur de la faculté des sciences du sport de Poitiers, elle porte un survêtement siglé FFBad, brodé d’un petit crocodile bleu-blanc-rouge. La jambe droite du pantalon est relevée. « L’été je suis en jupe, en robe, je me promène prothèse à l’air. C’est ma particularité ! C’est Coco !“, lâche-t-elle. Une fois passés les débuts en fauteuil roulant, difficiles elle ne s’en cache pas, « il était hors de question que je me cache dans un pantalon ! J’ai toujours eu la volonté de rester féminine ». Et de la volonté tout court. Le temps de valider sa licence brutalement interrompue, elle enchaîne les CDD dans la banque. « Je n’avais pas fait ça pour rien ! » Mais il était déjà trop tard. « A travers mon expérience en centre de rééducation, j’avais découvert l’activité physique adaptée. » Direction les Staps, option activité physique adapté et santé.

Objectif 2024

Actuellement en L2, l’étudiante envisage de pousser jusqu’au master « pour travailler dans le centre où j’ai été prise en charge à Grand feu, dans le domaine du handicap moteur que je connais bien ». La gamine « timide et introvertie », cadette d’une fratrie de trois filles, affiche une détermination à toute épreuve. « Je me suis découverte, confie-t-elle avec franchise. Je ne me connaissais pas un mental aussi fort » Dès 2018, elle a renoué avec le badminton et fait une entrée remarquée dans la compétition internationale en décrochant deux médailles d’argent lors des championnats d’Europe. « Je suis droitière, c’est donc ma jambe-raquette qui est touchée… Alors il faut bosser », analyse-t-elle. Installée à Niort avec Maxime, son compagnon licencié au Niort Rugby Club, la sociétaire du Badminton-club du Haut-Poitou s’entraîne deux à trois fois par semaine à Vouillé, suit les cours à la fac à Poitiers et voyage au gré des stages France et des compétitions. Un emploi du temps bien rempli pour l’ambassadrice du parabadminton de la Ligue Nouvelle-Aquitaine qui lorgne les championnats d’Europe et les mondiaux à l’automne. « Je n’ai pas fait de résultats aux derniers championnats du monde, je m’étais tellement mis la pression… Et puis je n’avais pas suivi de préparation mentale. » Compétitrice, Coraline n’est pas du genre à faire deux fois la même erreur. Seul bémol : « On n’est pas chez les valides, on ne peut pas en vivre, sauf Lucas Mazur évidemment. »  Un détail en vérité car rien ne semble pouvoir arrêter cette jeune femme volubile et pétillante, sauf peut-être… la langue de Shakespeare. « J’ai l’impression que je serai toujours nulle en anglais », confie-t-elle, soudain étrangement résignée. 

(*) Catégorie SL3, joueur debout avec handicap d’un membre inférieur.

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