Sergio Castro, in vélo veritas

Sergio Castro. La trentaine. Colombien d’origine. Poitevin d’adoption. Répare les vélos dans la rue depuis deux ans et demi. Aime la musique, son job et sa liberté. Signe particulier : un rapport contrarié au temps qui passe.

Arnault Varanne

Le7.info

Son dernier coup de cœur littéraire s’appelle Pourquoi nous vieillissons et pourquoi ce n’est pas une fatalité. Le livre signé du Dr David Sinclair part du postulat que la vieillesse est une maladie et qu’elle peut donc être soignée. « Son approche est vraiment passionnante », s’enthousiasme Sergio Castro. Lui-même ne décline pas son âge, comme par superstition. Le patron d’Up Vélo a « arrêté de compter à 19 ans », au moment où il est arrivé en France. « Avoir ce chiffre en tête me mettrait trop de pression. La vie est trop courte et j’ai l’impression de ne pas faire les choses assez vite ! » 
Regarder devant, un privilège que le natif de Bucaramanga ne pouvait s’offrir dans son pays, la Colombie, où l’insécurité règne en maître. Le vélo ? 
« Un instrument de sécurité » en Amérique du Sud. A des milliers de kilomètres, sur les bords du Clain, il sent au contraire sur ses joues « le vent et le soleil », 
ivre d’une forme de liberté inconditionnelle.

Il n’aime 
« pas trop le confort »

Avant de réparer les vélos dans la rue, Sergio Castro a eu mille vies, de celles qui font mûrir en accéléré tous les enfants du monde. Le fils d’assistante sociale et d’avocat s’est très tôt réfugié dans le sport (BMX, VTT, roller-hockey) et la musique. Parce qu’il « n’aime pas trop le confort », il s’est aussi 
« échappé » quelque temps de sa condition de gamin du Nord (Pasto) pour éprouver les rudesses de Bogota, à même pas 16 ans. Sans l’aide de personne. « J’avais trouvé un petit job dans un restaurant tenu par les parents d’un ami. Juste de quoi payer le loyer. » C’était après son retour de sa première escapade en France, à Lyon précisément, où son père passait son doctorat. Le goût de la France vient de là, de cette « belle image vendue par les écoles d’art ».

A la sortie de son master création sonore et composition sonore à Angoulême, Sergio Castro aurait pu se consacrer à l’enseignement de la musique à 100%, lui le guitariste -électrique et classique- jadis membre de groupes de reggae, ska, hard rock. Mais il faut croire que les chemins trop bien tracés ne lui conviennent pas, encore ce rapport au confort. Et de lâcher : 
« Etre né dans la pauvreté est une chance, ça permet de mieux affronter la tragédie de la vie ». Le Colombien a choisi de mener son existence comme une série d’expériences. Du coaching au PEC roller-hockey à l’enseignement de la musique assistée par ordinateur et de la guitare à l’école de musique de Vienne et Mouière, il saisit les occasions au gré de ses envies. Dans le même registre, le trentenaire a même été livreur à vélo, forcément pour Uber eats. « Ça m’a permis de me rendre compte que beaucoup de vélos avaient besoin d’être réparés en bas des immeubles et d’apprendre à entretenir le mien. »

Volontiers procrastinateur

Evidemment qu’il aimerait être 
« plus présent pour ses proches », 
restés en Colombie, mais sa vie est désormais à Poitiers, où son quotidien se résume en trois mots : vélo-boulot-dodo. Avec un leitmotiv : « devenir le réparateur le plus fiable » de la place. Le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux apportent au micro-entrepreneur une clientèle de plus en plus nombreuse... et satisfaite. Sergio s’efforce de ne pas pousser à la consommation, il répare quand c’est possible et se fournit en pièces d’occasion pour limiter les coûts. « A dire vrai, je ne suis pas trop matérialiste ! » Musique de Thom Yorke dans les oreilles -Dawn Chorus-, Sergio compte bien reformer un groupe ici, notamment avec l’un de ses amis colombiens arrivé grâce à l’amour à Poitiers. « Il vient de la même ville (Pasto) et joue de la guitare comme moi ! Le hasard fait bien les choses. » 
Reste à savoir si les deux compatriotes se produiront un jour sur scène. Ce n’est pas encore décidé. Dans une dernière confidence sur fond d’église Notre-Dame, Sergio reconnaît procrastiner plus que nécessaire. Etonnant pour quelqu’un qui n’a pas de temps à perdre. Rassurez-vous, il se « soigne ».

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