Antoine Brizard, passeur tout-terrain

Antoine Brizard. 28 ans. Joueur de volley professionnel né et formé à Poitiers. Sacré champion olympique avec l’équipe de France en 2021 et élu meilleur joueur du monde la même année. Reste concerné par les préoccupations de son époque, parmi lesquelles l’écologie. Signe particulier : éternel insatisfait.

Steve Henot

Le7.info

Il ne pouvait rêver plus bel écrin pour des retrouvailles. Plutôt habitué aux gradins de la vieillissante Lawson-Body, Antoine Brizard a découvert le faste de l’Arena Futuroscope, à l’occasion du dernier stage de préparation de l’équipe de France de volley. « Ça fait bizarre de voir une salle comme celle-ci à Poitiers », 
confie le passeur des Bleus, qui s’apprête à franchir la barre des 100 capes en sélection. Dans l’effectif, Earvin Ngapeth et lui étaient les locaux de l’étape. Si le premier a coutume de revenir régulièrement dans la Vienne, le second s’en est éloigné avec les années. « J’essaie une fois par an pour voir ma mère. Mais ces derniers temps, c’est plus elle qui vient me voir que l’inverse. »


Aujourd’hui, Antoine partage sa vie entre son domicile de La Brède, en Gironde, et Piacenza, en Italie, où il évolue depuis cette saison. Mais il garde une « tendresse » certaine pour les terres qui l’ont vu grandir. Loin des yeux, près du cœur en somme. C’est surtout là, au Cep puis au Stade, qu’il découvre sa discipline, son unique passion et son métier. « A Poitiers, c’était difficile de passer à côté, sourit-il, renvoyant aux belles années du volley poitevin. C’est la formation qui m’a permis d’être là où je suis. » La plupart de ses souvenirs d’enfance renvoient au sport. « Un me revient souvent. C’était au collège, Earvin a traversé la salle d’étude pour récupérer ses affaires, et il m’a hurlé : « T’es prêt à être champion de France ce week-end ? ». La prof qui nous surveillait l’a regardé, genre : 
« Qu’est-ce que tu fais là toi ? Tu peux pas faire ça ! » Le week-end venu, on a gagné avec son frère, Swan, en région parisienne. » 


2021 était son année

Le jeune Antoine rêvait alors de titres, olympique notamment, dans le sillage de Roger Federer ou encore Nikola Karabatic, ces champions qu’il admire toujours. « Pour moi, c’était un rêve au sens propre du terme, quelque chose qui ne se passerait jamais. » Le 7 août 2021, le rêve est pourtant devenu réalité. Antoine Brizard et ses partenaires ont ramené au volley français la première médaille olympique de son histoire, en or massif. Et le Poitevin y a largement contribué, notamment avec ce smash en première main, à 13-12 dans le dernier set de la finale, gravé dans les mémoires. « On m’en parle souvent », sourit l’auteur de cette « quéquette », presque gêné d’avoir pris la lumière. Cerise sur le gâteau, le Poitevin est élu dans la foulée meilleur joueur de la saison par la Fédération internationale de volley-ball (FIVB). Que pourrait-il faire de mieux désormais ? « Quand on a l’impression d’être arrivé, c’est là qu’on prend les plus grosses claques et qu’on se trompe vraiment. Cette année m’a donné beaucoup de confiance, mais ça ne veut pas dire que je suis intouchable non plus, souligne-t-il. Je suis assez perfectionniste et exigeant je pense, ça m’a toujours aidé. Je suis rarement satisfait. » Comme il ne peut se contenter de la 5e place de son club en SuperLega.


Passé pro en 2012 au Paris volley, le gaillard de presque 2 mètres a évolué dans les meilleurs championnats du monde, en Pologne et en Russie. Mais un titre olympique au palmarès, c’est autre chose, une autre dimension. Antoine le mesure à sa notoriété nouvelle qui l’autorise à prendre une parole publique. Sur le calendrier surchargé des internationaux : « Entre Tokyo et le début de prépa pour l’Euro, on a eu une semaine. Je suis parti quatre jours avec ma femme, mais toujours la tête dans ce qu’on avait fait, dans les sollicitations, etc. » Ou encore récemment sur l’organisation du Mondial, initialement programmé en Russie (il se déroulera finalement en Pologne et en Slovénie). « Ça nous a touchés et rappelé les priorités. (…) Il était hors de question qu’on y aille si la guerre continuait. »

« Entraîner des gens derrière moi »

Des portes se sont aussi ouvertes, autant d’occasions de mettre son image au service de quelque chose. « Je suis allé au siège de Paris 2024 et ça m’a donné envie d’aider, de m’impliquer un peu plus dans le projet, au moins de me renseigner sur ce qu’il va se passer. Aujourd’hui, je veux structurer ma vie autour des Jeux. » Et pas seulement pour ramener une deuxième breloque dans deux ans.


Au sortir de l’été 2021, le passeur a fait son entrée au capital du Paris Volley, auquel il est resté très attaché. Pour apporter son regard sur le volet sportif mais aussi soutenir la démarche écoresponsable du club, à première vue peu compatible avec les exigences du haut niveau. 
« Au quotidien, c’est ne plus utiliser de bouteilles d’eau en plastique, avoir tous des gourdes, avoir les joueurs au plus près de la salle pour qu’ils puissent venir s’entraîner à pied, à vélo ou en trottinette, ce qui est assez faisable à Paris. Aussi, ne plus prendre l’avion mais le train, énumère Antoine. Et après, faire de la sensibilisation, des opérations dans des écoles, des quartiers, des collectes de déchets, des animations pendant les matchs… Par la force des choses, il faut que l’on s’y intéresse tous. On vit dans le même monde et on va malheureusement tous dans le même sens pour le moment. J’essaye de ne culpabiliser personne mais on devrait changer des choses au quotidien. » Cet autre rôle de passeur lui tient d’autant plus à cœur qu’il sait que la voix des champions a toujours une résonnance dans la société. « L’écologie rythme un peu ma vie. En parler peut permettre d’entraîner des gens derrière moi. »


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