Ivan Péault, dans le désordre des choses

Ivan Péault, 43 ans. Co-fondateur du bar alternatif Le Plan B. Le natif des Mauges, désormais écrivain, vient de publier un recueil de nouvelles implacables et drôles sur les frasques de la nature humaine. Signe particulier : manie l’ironie avec délectation.

Romain Mudrak

Le7.info

Son jardin situé sur les hauteurs de Poitiers lui offre une magnifique vue sur la cathédrale. Une situation qui pourrait sembler idéale, sauf que… « La première fois que mes enfants l’ont vue, ils ont proposé de raser ce bâtiment qui prend de la place ! » 
Ivan Péault n’est sûrement pas totalement étranger à cette aspiration. Le père de famille de 43 ans en plaisante maintenant. Mais s’il a mis de l’eau dans son vin, cette défiance à l’égard des religions n’étonnera pas ceux qui le connaissent bien. Lui a foi plutôt en l’humain. Mais pas n’importe lequel. Des personnages simples, « héros malgré eux, victimes qui osent se relever, figures d’une révolte qui ne dit jamais son nom », 
autant de fiers-à-bras qu’il a mis en scène dans un recueil de nouvelles intitulé « Vermine ! » et publié en juin aux éditions L’Arbre vengeur.

« Du côté 
des défavorisés »

Il dénonce les conditions des petites gens, des exécutants à travers les traits d’un stylo Bic, et le mépris des plus puissants incarnés par un « quatre couleurs » et un Waterman. Dans la nouvelle éponyme Vermine, on apprend « comment un simple saut de 
puce (au sens propre du terme !, 
ndlr) peut faire tomber la tête d’un Président ». Dans Duel, l’auteur dépeint la vie d’un homme payé à ouvrir et fermer une porte toute la journée afin de tester sa robustesse… Une façon d’aborder les « bullshit jobs » 
que certains acceptent d’exercer pour rembourser le crédit de la maison et nourrir leurs enfants. 
« J’ai fait des boulots comme ça ! 
Ces histoires s’inscrivent dans le prolongement de ma vie. J’ai tendance à être du côté des défavorisés. » Pour écrire ce livre, Ivan a pris un temps partiel de médiateur culturel au centre d’animation des Couronneries et s’est astreint à se poser devant son ordinateur tous les lundis. Les premiers retours des libraires indépendants -qu’il soutient ardemment- sont positifs. En tout cas, lui aimerait vivre de son art. Un roman et un album jeunesse sont dans les tiroirs.

Son appétence ne date pas d’hier. Dès la fin de ses études en « info-com » -son mémoire de maîtrise portait sur 
« l’idéologie capitaliste dans la presse »- celui qui se destinait au métier de journaliste a intégré la rédaction rennaise de L’œil électrique, un magazine 
« cultivé et insolent » comme le qualifiait Libération en 2000. Le jeune homme originaire de la Séguinière dans les Mauges, dont les parents dirigeaient une entreprise artisanale d’impression sur textile dans le Choletais, y a rencontré des gens éloignés de son milieu social, maniant le cynisme et l’ironie. Deux figures de rhétorique dont il a usé abondamment par la suite, notamment dans son premier pamphlet « CommuNIQUEZ efficacement avec les autres ! », publié alors qu’il avait à peine 25 ans.

De cette époque-là, il conserve le goût de la révolte et une faculté à se marrer des choses graves. Au travail, il lui faut du sens et une bonne ambiance ne gâche rien. « J’ai du mal avec la hiérarchie, les décisions verticales, le paternalisme. » Ajoutez à cela une conscience aiguë des inégalités de ce monde et une angoisse de la mort, et vous obtenez une volonté farouche d’agir. Et vite. « Je n’ai pas de temps à perdre. Cet état d’esprit me pousse à faire les choses que je crois utiles. »

Le Plan B, un forum 
ouvert au débat

En 2010, Ivan Péault est devenu son propre patron en créant le bar coopératif Le Plan B 
avec son ami rencontré en 
« info-com » Grégory Lalloué. « On était quatre. Chacun avait des responsabilités différentes, on discutait de tout en mode un homme-une voix. » Alors déjà bien installé dans le milieu culturel poitevin, il veut, grâce à cet établissement, « faire sa part pour changer la société ». Les associés érigent ce lieu en 
« forum » ouvert à tous les débats avec des valeurs « écologistes, féministes, anti-capitalistes et contre toute forme de discrimination ». Aucun d’entre eux n’a de compétence dans le commerce. Contre toute attente, l’équipe reste à la barre pendant plus de six ans. A la naissance de son second enfant, Ivan décide d’arrêter. Les autres suivent. Les repreneurs ne parviennent pas à conserver l’esprit des lieux. Des règles de mise aux normes achèvent l’aventure du Plan B qui ferme définitivement ses portes en 2018.

Depuis, son engagement au sein de la société civile a pris d’autres formes. Avec sa compagne Charlotte, enseignante, il accueille des mineurs étrangers isolés adressés par l’association Min’de rien. Par son comportement au quotidien, la petite famille tente au maximum de préserver la planète. 
« Mais je ne donne pas de leçon car j’ai les moyens d’être écolo. » Il sait que manger bio en circuit court ou se passer de sa voiture pour aller travailler n’est pas accessible à toutes les bourses. Surtout depuis qu’il est devenu bénévole à L’Eveil, l’épicerie sociale des Couronneries. « Tous les jeudis, je suis celui qui fait payer les pauvres à la caisse »,
 plaisante l’intéressé. Ces expériences pourraient bien lui inspirer de nouvelles histoires. « Je ne suis jamais en panne d’idées », 
confie cet admirateur du défunt poète poitevin Georges Bonnet qui écrivait encore à plus de 
90 ans.

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