Les salariés prennent la main

Boutillet, l’une des plus grandes PME du bâtiment de la Vienne, vient d’être reprise par trois de ses cadres. La formule, pas si répandue, est souvent une garantie de succès. Il n’y a qu’à regarder les Scop…

Romain Mudrak

Le7.info

La cession est un moment ultrasensible dans la vie d’une entreprise. Comment être sûr de trouver le bon candidat au bon moment ? Selon les experts, la laisser entre les mains d’un ou plusieurs salariés est souvent un gage de succès. 
« Quand on accompagne un cédant, c’est la première question qu’on pose car les meilleures reprises sont faites par les salariés, note Rodolphe Houdayer, responsable du service économie de la Chambre de métiers et de l’artisanat de la Vienne. Ils connaissent le matériel, les clients, les fournisseurs… Le savoir-faire se perpétue. »

C’est le choix opéré chez Boutillet, à Chauvigny. En mars dernier, l’une des plus importantes entreprises de bâtiment et génie civil de la Vienne (110 salariés, 28M€ de chiffre d’affaires) a changé de propriétaire. Depuis 1969, Marie-Thérèse et Jean-Paul Boutillet dirigeaient la PME fondée par le père de ce dernier, en 1948. A leur tour, ils ont décidé de passer la main à trois cadres très investis dans l’activité depuis une dizaine d’années. « J’étais très proche d’eux en tant que responsable des achats et des finances, raconte Ludwig Valliemin, nouveau président. Ils m’ont demandé si ça m’intéressait. J’ai dit oui mais pas tout seul, c’est pourquoi je me suis associé à deux techniciens expérimentés et fidèles à l’entreprise. »

Germain Mirebeau est devenu directeur des travaux et Julien Coutard directeur commercial et du développement. Tous les trois ont entre 36 et 38 ans. Ils s’entendent bien, une condition indispensable. « On discute beaucoup, chacun apporte sa pierre à l’édifice, on gagne en réactivité », souligne le dernier cité. Le tuilage entre le trio et ses prédécesseurs s’est déroulé sur deux ans. Ludwig Valliemin a suivi une formation managériale proposée par la Fédération du bâtiment et bénéficie des conseils des avocats et experts-comptables historiques de l’entreprise. « Je vais voir certains clients avec Jean-Paul Boutillet, le relationnel est une notion importante mais il me laisse désormais faire mon commerce. » En l’occurrence démarcher les promoteurs privés en parallèle des marchés publics toujours prédominants dans le chiffre d’affaires.

Des salariés investis

Un autre modèle fait évidemment la part belle aux salariés : les Scop. A l’intérieur de ces sociétés coopératives, les salariés sont les associés majoritaires et la gouvernance est démocratique. Philippe Diversay et ses collègues de Vendeuvre Automobile ont adopté ce statut en 2005 et ne feraient machine arrière pour rien au monde. A l’époque, le concessionnaire automobile est placé en redressement judiciaire. « Cinq salariés ont renoncé à leur prime de licenciement pour les réinjecter dans la reprise de l’entreprise, raconte l’ex-commercial. Le tribunal a accepté. Aujourd’hui, nous sommes onze. » 45% des bénéfices vont à égalité aux salariés, 45% sont réinvestis et 10% vont aux actionnaires, autrement dit les salariés. « C’est le côté humain qu’on apprécie, on discute des choix et on n’a pas de problème à recruter », 
note le patron, élu tous les quatre ans. Antoine, jeune chef d’atelier de 25 ans, est arrivé en 2020, séduit par la Scop : 
« Je travaille avec des salariés investis, qui proposent des moyens d’améliorer le système et de faire des économies car c’est notre argent à tous. » Le modèle se développe. En 2021, 562 salariés travaillaient dans l’une des 42 Scop (et Scic) de la Vienne, contre 357 en 2016. Et leur taux de pérennité à cinq ans (73,2%) progresse.

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