Vivre avec un handicap invisible

Le Regard de la semaine est signé Mathieu Beaulieu.

Le7.info

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Après trente-deux années à me sentir différent, sans vraiment réussir à en cerner les raisons, j’ai été diagnostiqué porteur d’un Trouble du spectre de l’autisme (TSA). Je suis autiste. Pourtant, vous allez me dire que je parle, que j’ai mon permis voiture, que j’ai un travail, et que je vis même en couple avec ma femme Anaïs ! Avec tous ces clichés, est-il judicieux d’en parler autour de soi ? Le spectre de l’autisme est large et plus compliqué qu’il n’y parait. Les films et séries télévisées en cultivent une image parcellaire et caricaturale. En réalité, il y a autant de formes d’autisme que d’autistes. Tous ces clichés suscitent l’incompréhension générale et un profond mal-être chez les personnes concernées.

Le diagnostic d’un TSA peut être une épreuve à surmonter ou, au contraire, une véritable renaissance. Au demeurant, il peut sembler normal d’en parler à nos proches, en quête d’oreilles compatissantes, pour sensibiliser et aussi justifier certains comportements parfois difficiles à comprendre. Dans la sphère professionnelle, cette annonce reste plus délicate. Rares sont ceux qui franchissent le pas. Alors pourquoi autant d’hésitation ? Eh bien, beaucoup ont peur… Peur de se voir coller une étiquette impossible à arracher, peur d’être « placardisés », mis à l’isolement, et de devoir tirer un trait sur toute évolution professionnelle… D’autres, comme moi, ont choisi la transparence dans l’espoir d’obtenir des aménagements de poste pouvant pallier certaines difficultés. Malheureusement, et bien trop souvent, la réalité du terrain impose son inéluctable constat d’échec. A ce jour, les craintes de ceux qui hésitent encore à en parler ne peuvent être contredites.

Qu’il s’agisse du cadre familial ou professionnel, l’annonce de ce trouble autistique m’a directement confronté à une chose à laquelle je n’aurais jamais pensé : le jugement d’autrui. Un diagnostic médical n’est pas anodin, il reste précédé d’examens et d’une multitude de tests. Alors pourquoi les gens iraient porter un jugement là-dessus ? Lorsqu’une personne annonce qu’elle souffre d’un cancer, aucun de ses proches ou collègues n’a l’idée idiote de répondre : « Tu es sûr ? Ça me semble étrange cette histoire de maladie… Je te connais et tu n’as pas l’air malade… ».

Pourtant, en parlant de notre autisme, en osant nous mettre à nu, nous nous exposons au regard des autres et à leurs jugements de valeur. Ayant moi-même subi bon nombre de remarques indigestes, de la part de proches, de membres du corps médical et de collègues de travail, j’ai aujourd’hui choisi de revendiquer qui je suis, de m’affirmer. N’oublions pas que 80% des handicaps sont invisibles et que personne ne devrait avoir à s’en justifier.

CV express
Châtelleraudais depuis toujours, je suis un « touche-à-tout ». Diagnostiqué autiste à 32 ans, je suis aujourd’hui auteur, artiste, photographe, conférencier, musicien, programmeur informatique… Je suis une personne atypique qui semble venir d’une autre planète. Je ne rentre dans aucune case et je considère ma différence comme une force.

J’aime : faire des recherches sur certains sujets, apprendre encore et toujours plus, m’investir humainement, la nature, les animaux, aider les autres, la pluie, l’orage et, surtout, les pâtes.

J’aime pas : la manipulation, l’individualisme, la rétention d’informations, la politique et l’inaction.

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