Sarah Sauquet. 39 ans. Autrice du livre Les 1 000 livres qui donnent envie de lire. Professeure de lettres. Maman d’une fillette de 7 ans. Parisienne de fait, Poitevine dans l’âme. Fan de pop culture, sincère, joyeuse et attentionnée.
L’entretien aurait pu, dû se dérouler en marge des Rencontres d’excellence, l’autre samedi à Poitiers. Mais des contraintes d’agenda ont ajourné le face-à-face entre votre serviteur et Sarah Sauquet. Rendez-vous donc A Saint-Malo... Pas la ville, le bar-restaurant du boulevard d’Odessa, à Paris. Sa ville de corps, La Roche-Posay restant sa ville de cœur. Tous les mois et demi, la future quadragénaire remonte le temps sur les terres de ses racines maternelles. « A chaque fois que j’arrive à la gare de Poitiers, je me sens chez moi... » Sourire franc et yeux qui brillent. Dans la cité thermale, elle conserve, telle une madeleine de Proust, de solides amitiés et d’excellents souvenirs. De ceux qui lui font dire qu’on n’habite pas le monde de la même façon, pour paraphraser Jean-Paul Dubois, Goncourt 2019.
« Le temps est
un grand maître »
Sarah réside donc à Paris et file vers les quarantièmes rugissants -le 5 août 2023- avec plus de certitudes qu’à 20 piges.
« Quand j’étais en 2de, j’avais un agenda avec une citation de Corneille que j’aime beaucoup : « Le temps est un grand maître, il règle bien des choses ». J’ai le sentiment que les années qui passent m’apportent plutôt du positif. » Celle qui se rêvait
« journaliste culturelle ou médecin » -pour combattre une pathologie digestive de grande prématurée- a finalement
« atterri » dans l’enseignement. Passeuse de savoirs, pas mal comme destinée pour cette excellente élève, fondue de livres, biberonnée au Club des cinq,
« que je lis toujours », et véritable enfant de la pop culture. Depuis quelques semaines, la maman d’Héloïse (7 ans) prend la lumière, à la faveur de la sortie de son cinquième ouvrage, Les 1 000 livres qui donnent envie de lire, paru chez Glénat. Sous ce pavé, une plage de choix pour ses coups de cœur classés par envie, ses entretiens avec David Foenkinos, Amélie Nothomb, un libraire...
Elle assume « complètement »
ce qui pourrait s’apparenter à « des contradictions ». Oui, on peut aimer Plus belle la vie et Tolstoï, carburer à Proust et parler de Dwayne Johnson, avoir « adoré interviewer Nikos Aliagas » et se nourrir de Pierre Lemaître. « On peut tout aimer à différents moments de la journée, de notre vie, et ce n’est pas un problème ! Ce livre, je l’ai voulu accessible, pas intimidant »,
renchérit-elle. Pari réussi, dans la lignée de ses précédentes expériences d’autrice, en forme d’aller-retour entre le très sérieux Dictionnaire des plus beaux prénoms inspirés de la littérature et le plus désopilant La première fois que Bérénice vit Aurélien, elle le trouva franchement con. Sarah Sauquet ne s’en cache pas, elle a grandi
« dans un milieu privilégié », aînée d’une fratrie de quatre. Ses parents ingénieurs de formation et « dingues de sport »
lui ont transmis le goût de l’effort, du dépassement et du travail. L’idée qu’on a « plus de chance d’être heureux si on a une vie professionnelle accomplie ».
Son existence a cependant démarré sous des auspices peu réjouissants, entre les murs blancs d’un hôpital. « J’ai eu beaucoup de soucis de santé et la littérature a constitué une fenêtre vers l’extérieur. Comme je n’avais pas la maîtrise de mon corps, il fallait que j’aie celle de mon esprit. »
Aucune complainte dans le propos, la professeure de lettres répète qu’elle a bénéficié
« des bonnes cartes au départ ».
La citadine parisienne qui adore la campagne châtelleraudaise porte un regard lucide sur son parcours. « Bourgeoise »,
comme lui ont un jour asséné ses élèves porte de la Chapelle ? « Oui, mais pas snob. »
La nuance est fondamentale pour elle qui s’intéresse de près aux inégalités territoriales et de désenclavement, au point d’envisager d’y consacrer un prochain livre. Ce sera peut-être après celui qu’elle projette sur les bibliothèques et médiathèques parisiennes. Un réseau de service public dont elle loue la qualité. « Capable de traverser Paris » pour emprunter un livre, Sarah Sauquet cultive aussi ses réseaux numériques. Depuis une dizaine d’années, avec la complicité de sa mère, elle veille sur huit applis de vulgarisation de l’écrit au sens large, Un texte, un jour, Un auteur, un jour... L’entreprise connaît un joli succès.
Pragmatique et heureuse
Sarah Sauquet irradie par sa gentillesse, pas celle qu’on confond souvent avec la niaiserie. « Il m’est arrivé beaucoup de choses bien grâce à cela. Je crois beaucoup à cette idée qu’il faut être gentil parce que chacun mène un combat dont on ignore tout. ». Son
« combat » de jeunesse a consisté à décrocher son code de la route et son permis à Châtellerault... après un premier échec. Sa « ténacité » a pris le pas sur son « anxiété ». « Quand la porte est fermée, on rentre par la fenêtre ! » Question d’adaptation. L’autrice est une pragmatique mue par ses rêves d’enfant, émerveillée par beaucoup de ses contemporains et « admirative »
de ceux qui travaillent dans l’industrie. A la bonne distance, pas au-dessus de la mêlée. Heureuse, au final, Sarah ? « Oui, ne serait-ce que pour montrer l’exemple. » La citation l’accompagne depuis quelques décennies. Comme celle-ci : « Il ne s’agit pas d’être en haut mais d’être à la hauteur. »
Ce qui vaut à Paris vaut aussi à Saint-Malo et La Roche-Posay.
Les 1 000 livres qui donnent envie de lire, Editions Glénat
304 pages - 39,95€.