« L’imprévisible 
est toujours là »

Comment réagir face à une crise lorsque l’on est chef d’entreprise ? Comme sur un terrain d’opération… du Raid. La preuve par l’exemple avec Christian Bodin, spécialiste de la prévention des risques extrêmes, et Matthieu Langlois, ancien médecin-chef du Raid.

Claire Brugier

Le7.info

Quel est le point commun entre le Raid et une entreprise ? La comparaison peut sembler lointaine, et pourtant… Tous les deux sont confrontés à des situations de crise, ce que Christian Bodin désigne comme « la puissance de l’imprévisible ».
« La crise peut faire partie du quotidien de la vie d’une entreprise », explique le directeur général de Lagence 164 basée à Avanton. L’actualité en témoigne, elle peut être sanitaire, financière, énergétique, sociale, migratoire… « On se prépare en général quand tout va bien, on établit des plans d’action. Mais la question est : doit-on préparer la crise ? », interroge le spécialiste des interventions d’urgence. La réponse de Matthieu Langlois cingle : 
« Les plans, c’est bien pour travailler, lâche l’ancien médecin-chef du Raid, aujourd’hui à la tête de Hot Zone Rescue. Mais lors d’une situation de crise, c’est la première chose qui explose. » De surcroît pour faire face à un « cygne noir », 
un événement imprévisible par excellence, selon le concept développé par l’ancien trader libanais Nassim Nicholas Taleb. Les migrants européens qui ont débarqué en Nouvelle-Galles du Sud (Australie) au XVIIIe siècle avaient toujours vu des cygnes blancs. Jamais ils n’auraient pensé qu’ils pussent être noirs, comme il n’était pas imaginable que le mur de Berlin tombe en une nuit ou que les tours du World Trade Center s’effondrent en moins d’une heure.

Fédérer les équipes

Matthieu Langlois a vécu un 
« cygne noir », le 13 novembre 2015, à Paris, au Bataclan. 
« La veille, j’avais participé à un exercice sur une tuerie de masse », glisse le médecin anesthésiste-réanimateur. La réalité a surpassé la fiction. « On savait qu’on était prêts, mais on ne savait pas à quoi, poursuit-il. Dans la première phase, de chaos, il est inutile de chercher des réponses, car les informations à l’instant T ne seront plus celles de l’instant T+1. Il faut également accepter ses émotions pour les transformer en action. » Surtout, il faut rester humble face aux événements. A ce titre, l’ancien du Raid balaie avec force la posture du c’est-moi-le-chef-donc-je-sais, lui préférant les notions de « leader » 
et « follower », chacun pouvant être l’un ou l’autre selon la situation, sans distinction de grade, de diplôme ou autre. « Le leader doit respirer la confiance, qui est comme l’air, invisible, insiste-t-il. Que la décision soit bonne ou mauvaise, elle doit fédérer les équipes. » 
Sur un terrain d’opération du Raid comme en entreprise, 
« le leader doit prendre le temps de la page blanche, ne pas tricher, être capable d’innover, c’est-à-dire décider dans l’incertitude, et créer de l’enthousiasme ». Car « l’imprévisible est toujours là, quoi qu’il se passe, complète Christian Bodin. Il faut donc être flexible et adaptatif aux événements pour pouvoir prendre des décisions dans l’incertitude ». 
A moins de s’exiler en Théorie, ironise Matthieu Langlois, citant Pierre Desproges : « Un jour j’irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien. » 
Là-bas les « cygnes noirs » n’existent pas…

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